Article N° 6527

PRIX DU MÉDICAMENT

Accessibilité aux médicaments : Les promesses n’engagent que ceux qui les croient ?

Abderrahim Derraji - 03 novembre 2019 10:47

Lors du Congrès international de la pharmacie qui s’est tenu le premier et le 2 novembre à Fès, M. Hamza Guedira, président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), est revenu sur l’impact du Décret 2-13-852* sur l’économie de la pharmacie d’officine.

Ce pharmacien de Rabat a aussi rappelé à l’assistance les engagements non tenus par le ministre de la Santé. En effet, le prédécesseur d’Anas Doukkali s’était engagé à compenser par des mesures appropriées le manque à gagner qui allait être causé par la mise en place de la politique de baisse des prix des médicaments. Malheureusement, ses promesses n’ont abouti à aucune action concrète.

Le président de l’instance ordinale estime que le déséquilibre occasionné entre ce qui a été promis par l’administration et son «refus inexpliqué» d’y faire face, a engendré des faillites, des distorsions, des perturbations dans l’approvisionnement et des ruptures de stock en médicament et surtout un «début de marasme économique». Toutes ces raisons, et la rupture de confiance qui en a résulté ont, d’après M. Guedira, fait fuir les investisseurs vers des «horizons plus souples» offrant de meilleures garanties notamment les marchés africains et arabes qui sont beaucoup plus prometteurs.

En attendant les résultats de l’étude menée actuellement par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et dont l’objectif est d’évaluer l’impact du Décret 2-13-852 sur toutes les composantes du secteur et sur l’accès aux soins, la dégradation de la situation économique de la pharmacie d’officine et des établissements pharmaceutiques continuera à s’accentuer de jour en jour.

Il ne fait aujourd’hui aucun doute que les promoteurs de la politique populiste qui avaient présenté la baisse des prix des médicaments comme l’unique levier pour améliorer l’accessibilité aux médicaments avaient tout faux puisque la consommation annuelle des Marocains en médicaments n’a pas bougé d’un iota !

D’ailleurs, un grand nombre de pharmaciens d’officine se demandent toujours qu’est ce qui avait poussé leurs représentants à donner leur feu vert pour le nouveau mode de fixation de prix du médicament, sachant qu’ils ne disposaient d’aucune étude d’impact digne de ce nom. Les pharmaciens qui avaient à l’époque pressenti le désastre et avaient manifesté devant le ministère de la Santé n’ont malheureusement pas été écoutés.

Certes, on ne peut pas nier qu’il y avait des aberrations de prix qui ont été corrigées par la mise en application du benchmark, comme on ne peut pas non plus nier le fait que les prix des médicaments connaissent des baisses dans tous les pays. Seulement, il faut que les décideurs prennent en considération certaines réalités du marché marocain. La très faible consommation de médicaments rend toute économie d’échelle impossible.

Contrairement à ce qu’on essaye de nous faire croire, la raison de la faible accessibilité aux médicaments saute aux yeux : un Marocain sur deux ne dispose pas de couverture médicale ! Tant que nos concitoyens continueront à payer 50% de leur poche à chaque fois qu’ils se soignent, la consommation en médicament demeurera insignifiante.

In fine, il faut que les donneurs d’ordre aient suffisamment de courage pour prendre les décisions qui s’imposent en se basant sur des études probantes réalisées par de vrais spécialistes en économie de la santé. Il faut aussi qu’ils comprennent que sans la généralisation de la couverture médicale, la recherche de prix de plus en plus bas va aggraver la situation économique des différentes composantes du secteur et accentuera l’inaccessibilité aux médicaments…

(*) Décret relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés.

Source : PharmaNEWS 511