Article N° 6129

ACCÈS AUX SOINS

La bourse ou la vie ?

Abderrahim DERRAJI - 17 septembre 2018 06:27

Le brevet protégeant la prodrogue du sofosbuvir (1), médicament de Gilead qui a révolutionné la prise en charge de l'hépatite C, vient d’être jugé comme non contestable par l'Office européen des brevets (OEB).

Pour Olivier Maguet, cette décision de l’OEB démontre que «le système des brevets en Europe est défaillant». Ce responsable de la campagne de Médecins du monde sur le prix des médicaments appréhende également l’arrivée sur les marchés de nouvelles molécules dont les prix seront 10 fois plus élevés que celui du sofosbuvir. 

Pour les ONG (Médecin du monde, Médecins sans frontières, AIDES et l’Alliance européenne) contestant le brevet protégeant la prodrogue du sofosbuvir, il y a une «description insuffisante des stéréo-isomères du sofosbuvir et un critère d'inventivité non rempli». Médecin du monde évoque des «brevets abusifs». 

Ce bras de fer entre les associations civiles et Gilead traduit un malaise qui va s’accentuer, de plus en plus, avec l’arrivée de nouvelles spécialités pharmaceutiques très efficaces, mais économiquement inaccessibles.

Bien que l’approche adoptée par certains laboratoires soit susceptible d'être défendue juridiquement, il n’en reste pas moins qu’elle reste difficilement acceptable pour les malades. En effet, comment expliquer à un patient, entre la vie et la mort, a qui le médecin vient d’annoncer qu’un médicament miracle existe pour le sauver, et en même temps lui annoncer qu’il ne peut pas y accéder, faute de moyens, ou parce qu’il n’est pas pris en charge par sa caisse d’assurances maladie ? 

Certains industriels, même s’ils restent «marginaux», ont poussé le bouchon trop loin, à l’image de Martin Shkreli et Nirmal Mulye (2), qui contribuent à envenimer cette situation. En effet, le premier a été qualifié de «l'homme le plus détesté d'Amérique» pour avoir multiplié par 55 le prix du Daraprim. Quant au second, il vient de multiplier par cinq le prix de la nitrofurantoïne aux États-Unis.

Les ONG vont certainement continuer à entreprendre des actions pour que les nouvelles thérapies soient plus accessibles. En attendant, les malades font ce qu’ils peuvent pour attirer l’attention sur leur cas, à l’image de Luis Walker, un enfant britannique de 8 ans qui vient d’écrire à un laboratoire dans l'espoir d'accéder à Orkambi®, un nouveau traitement innovant efficace contre la mucoviscidose et il n’est pas le seul. Fibrose kystique Canada (3) exhorte également le gouvernement du Québec à agir pour protéger la santé des Québécois qui sont atteints de fibrose kystique, en leur donnant accès à ce nouveau médicament qui améliore considérablement leur qualité de vie.

En conclusion, la société ne peut aujourd’hui faire l’économie d’une vraie réflexion dont la finalité est de trouver des solutions permettant de ne pas entraver l’innovation et la recherche tout en garantissant la pérennité des caisses d’assurances maladie. Mais le plus important n’est-il pas de faire en sorte que les patients ne subissent pas une double injustice : la maladie et l’inaccessibilité aux soins ! 
Source : 1. Lien 2. Lien 3. Lien

Source : PharmaNEWS 456