Rupture de stock : Une faute avouée est à moitié pardonnée !
Par Abderrahim DERRAJI
Les patients et les professionnels de santé se plaignent, de plus en plus, des ruptures de stock récurrentes qui constituent une véritable préoccupation de santé publique.
Durant cet été, nous avons assisté au Maroc à des ruptures d’approvisionnement sans précédent, notamment de contraceptifs oraux combinés (COC). Ces pénuries ont touché, dans un premier temps, certains COC à forte rotation, avant d’affecter, dans un deuxième temps, la plupart des autres contraceptifs à «prix abordable». Ces ruptures, qui ont surpris tout le monde, à commencer par les pharmaciens, ont contraint certaines patientes à changer trois ou quatre fois leur COC. Certaines femmes ont même stoppé leur contraception.
Cette problématique dont les causes sont multiples n’affecte pas uniquement le Maroc. Les pays magrébins et nos partenaires européens souffrent des mêmes maux. Et si par le passé, ces pénuries étaient plutôt conjoncturelles, aujourd’hui, elles sont en phase de devenir structurelles, et le manque d’informations n’est pas de nature à arranger les choses.
Contrairement aux Maghreb où le déni est souvent de mise, en Europe, les pénuries sont prises au sérieux, à l’image de la France qui multiplie les actions pour faire face aux ruptures.
Le dernier exemple en date est le plan entrepris par l’Agence nationale de sécurité des produits de santé (ANSM) afin de minimiser l’impact de la pénurie de certains dosages du SINEMET® (1) sur la santé de leurs usagers.
En effet, d’une part, les Centres experts dans la maladie de Parkinson, la Société française de neurologie et la Société francophone des mouvements anormaux ont été sollicités pour élaborer des recommandations de prise en charge des patients. Et d’autre part, l’ANSM a invité les patients actuellement sous SINEMET®, un antiparkinsonien de MSD à base de lévodopa et de carbidopa, à prendre rendez-vous avec leur médecin afin qu’il puisse évaluer, au cas par cas, la conduite à tenir.
Au Maroc, les patients, les médecins et les pharmaciens ne sont généralement pas informés des tensions d’approvisionnement et encore moins des dates prévues pour le retour à un approvisionnement normal du marché après une rupture de stock. Bien souvent, ils doivent, du jour au lendemain, faire face à une pénurie pouvant toucher des médicaments essentiels et ne disposant pas forcément d’alternatives thérapeutiques.
L’information ne semble pas, de ce fait, constituer, pour le moment, une priorité pour les décideurs. Quant aux textes de loi, ils sont devenus anachroniques. L’article 84 de la loi 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie fait référence à un arrêté du 12 juin 2002 (2). Cet arrêté définit le stock de sécurité, mais ne prévoit malheureusement pas un traitement spécifique des médicaments essentiels et/ou ne disposant pas d’alternatives thérapeutiques. On ne peut tout de même pas traiter de la même manière un anticancéreux et un simple sirop expectorant !
En plus de la réactualisation de cet arrêté souhaitée par la plupart des établissements pharmaceutiques, il s’avère primordial de doter le secteur du médicament et de la pharmacie d’un système de recueil d’informations performant et fiable. Ce système va nous permettre d’évaluer ces pénuries. Faute de quoi, toute stratégie visant à limiter les ruptures et garantir un approvisionnement optimal du marché sera vouée à l’échec.
Malgré tous les efforts, certaines ruptures sont inévitables. Dans ces cas, on devrait, au moins, aviser à temps les patients et les professionnels de santé. Ne dit-on pas qu'"une faute avouée est à moitié pardonnée" ?
Source : (1) Lien (2) Lien
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