Article N° 7862

CYPROHEPTADINE

Pas d’ordonnance, pas de cyproheptadine !

Abderrahim DERRAJI - 01 juillet 2024 23:39

Dans un point d’information(1) du 26 juin 2024, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM – France) a annoncé qu’à compter du 10 juillet 2024, la délivrance des médicaments à base de cyproheptadine nécessitera une ordonnance. Cette décision est justifiée par le détournement de cette molécule, utilisée pour la prise de poids à des fins esthétiques.

 

La cyproheptadine, commercialisée sous le nom de «Periactine 4 mg», est un antihistaminique de première génération mis sur le marché français depuis les années 1960 par le laboratoire Teofarma. Elle est indiquée pour les adultes et pour les enfants de plus de 6 ans dans le traitement des symptômes allergiques tels que la rhinite, la conjonctivite ou encore l’urticaire.

 

Jusqu’en 1994, cet antihistaminique était également utilisé en France pour stimuler l’appétit chez les patients souffrant d’une diminution de l’appétit accompagnée d’une perte de poids. Cette indication a été retirée en raison d’une évaluation insuffisante de la balance bénéfices/risques.

 

Avant toute utilisation de la cyproheptadine, il est crucial d’évaluer la balance bénéfices/risques en tenant compte de l’existence d’autres alternatives thérapeutiques et des effets indésirables potentiels, tels que la somnolence, la baisse de la vigilance, la rétention d'urine, la constipation, les palpitations cardiaques ou la mydriase.

 

En classant la cyproheptadine en Liste I, l’ANSM a pris en compte la recommandation(2) de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT), qui avait demandé l’année dernière la réévaluation de la balance bénéfices/risques de cette molécule en vue de retirer son autorisation de mise sur le marché ou, au minimum, de l’inscrire sur une liste de médicaments à prescription obligatoire. Cette décision vise à mettre fin au mésusage promu par certaines influenceuses vantant les mérites d’une silhouette en sablier sans se soucier des risques associés.

 

Au Maroc, une circulaire du ministère de la Santé en 2004 avait rappelé aux professionnels de santé que l’indication de la cyproheptadine devait être limitée aux seuls cas d’allergie. Cependant, cette mesure n’a pas eu l’effet escompté. La Periactine® et ses génériques continuent à être largement utilisés comme orexigènes. Comme indiqué dans le numéro 685 de «Pharmanews», 13,8 millions de boîtes de cyproheptadine, seule ou associée, ont été vendues en 2022, représentant un chiffre d’affaires d’environ 248,5 millions de dirhams. Ce chiffre ne prend pas en considération les compléments alimentaires utilisés à des fins similaires.

 

Huit médicaments à base de cyproheptadine et dix-neuf présentations(3) sont commercialisés au Maroc. Le mésusage de cette molécule remonte à bien avant l’apparition des réseaux sociaux. On espère que la balance bénéfices/risques sera réévaluée par de véritables experts pour prendre la décision la plus appropriée et éviter les abus actuels de la cyproheptadine.

 

Sources :

(1) Point d’information de l’ANSM : Lien

(2) Communiqué de la SFPT : Lien

(3) Spécialité à base de cyproheptadine commercialisé au Maroc : Lien

 

Source : PharmaNEWS