Article N° 7635

RUPTURE DE STOCK

Pénuries de médicaments : Il ne faut compter que sur soi-même ! Et encore, pas beaucoup(1)

Abderrahim DERRAJI - 06 août 2023 21:19

À l’instar de nombreuses nations, la France est confrontée à des pénuries de médicaments. Celles-ci ont tendance à s’aggraver d’année en année, ce qui fait perdre des chances de guérison aux patients.

Pour faire toute la lumière sur les causes de ces pénuries et proposer des solutions concrètes pour en venir à bout, une commission a été constituée le 1er février 2023 par le Sénat.

Cinq mois durant, et après 54 auditions de professionnels de santé, des représentants du secteur du médicament et des associations de malades, la Commission sénatoriale a rendu public un rapport(2) qui pointe du doigt les dysfonctionnements qui sont à l’origine de ces ruptures récurrentes.

Ce rapport de 429 pages indique qu’en 2023, quelque 37% des Français déclarent avoir été confrontés à des pénuries de médicaments.

Sonia de La Provôté, présidente de la Commission d’enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française, qualifie la situation actuelle de scandale sanitaire.

La sénatrice du Calvados indique également que «Plus de 70% des médicaments touchés par les pénuries ou les tensions sont des médicaments anciens dont la rentabilité a diminué au fil des ans. C'est le cas de médicaments dits d'usage quotidien, mais aussi de certains anticancéreux». La présidente de la Commission estime, par ailleurs, «qu’en dépit de leur obligation d'assurer l'approvisionnement du marché, les laboratoires se désintéressent des produits matures au profit des médicaments innovants, dont les prix connaissent une augmentation effrayante».

Les auteurs du rapport expliquent les pénuries par le déclin de la production française, conséquence de quarante ans de délocalisation, la concentration de la production devenue mondialisées et vulnérables, une stratégie commerciale et financière portée vers les médicaments innovants et onéreux, au détriment des médicaments matures, l’insuffisance des mesures prises pour limiter ces pénuries.

 

Les membres de la Commission sénatoriale estiment que seule une réponse européenne permettrait de faire face à ces pénuries. Ils recommandent également de mieux anticiper et prévenir les risques de pénurie, de rétablir la confiance entre les maillons de la chaîne, de s’attaquer aux causes structurelles et d’améliorer le pilotage en France.

La France n’est pas la seule à devoir faire face aux perturbations d’approvisionnement en médicaments, les autres pays d’Europe et d’Amérique du Nord connaissent aussi des pénuries. Les situations épidémiques exceptionnelles, qui ont été plus au moins anticipées, ont révélé au grand jour les conséquences de la concentration de la production des médicaments et de matières premières dans les pays d’Asie.

Au Maroc, ce sujet qui «dérange» ne peut être passé sous silence pour des raisons plus ou moins justifiées. Les perturbations d’approvisionnement donnent, de plus en plus, du fil à retordre aux pharmaciens d’officine, particulièrement quand il s'agit de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM). Ces pénuries sont souvent aggravées par les achats paniques. Et contrairement aux pays disposant d’un système d’information optimal, on passe rapidement de la tension d’approvisionnement à la rupture de stock du fait que les prescripteurs ne sont pas avisés à temps pour qu'ils puissent switcher vers d’autres alternatives thérapeutiques.

Pour conclure, le Royaume dont l’approvisionnement d’une partie des médicaments et de la totalité des matières premières est tributaire de pays tiers ne peut faire l'économie d’une vraie stratégie pour juguler les ruptures d’apprivoisement. Cette stratégie doit être élaborée en concertation avec tous les intervenants du secteur. Elle devrait aussi tirer profit de la digitalisation, aussi bien pour collecter l’information que pour la mettre à la disposition des professionnels de santé et des patients. La transparence devrait être de mise d’autant plus qu’avec les réseaux sociaux, on ne peut plus rien cacher. En d’autres termes, l’époque où il suffisait de «cacher la poussière sous le tapis» pour que personne ne la voie est révolue !

1. Tristan Bernard

2. Rapport complet : https://www.senat.fr/rap/r22-828-1/r22-828-11.pdf 

   L’essentiel : https://www.senat.fr/rap/r22-828-1/r22-828-1-syn.pdf

 

Source : Pharmanews