Article N° 7654

RUPTURE DE STOCK

Prix bas ou disponibilité : il faut choisir !

Abderrahim Derraji - 03 septembre 2023 22:31

Pour améliorer l’accessibilité aux médicaments et garantir la pérennité des caisses d’assurance-maladie, la plupart des pays ont mis en place des stratégies visant à réduire les prix des médicaments. Mais depuis la pandémie Covid-19, certaines certitudes n’ont pas mis longtemps à voler en éclats et les donneurs d’ordres se sont rendu compte que ça ne sert à rien de courir après les prix les plus bas, quand la disponibilité n’est pas au rendez-vous.
 

En effet, la forte demande que connaissent les matières premières et les médicaments produits en Asie est à l’origine de ruptures récurrentes qui commencent à toucher un grand nombre de références. Les médicaments les plus utilisés et dont la production a été délocalisée, comme le paracétamol et l’amoxicilline, ne font pas exception.   

 

Pour remédier à cette situation préjudiciable pour les patients, certaines nations comme la France essayent, tant bien que mal, d’encourager la relocalisation de la production de certains principes actifs à commencer par le paracétamol. Mais la partie ne semble pas gagnée d’avance.

 

Récemment, des mesures incitatives ont été prises pour remédier aux pénuries qui perturbent l’approvisionnement en amoxicilline, un antibiotique de la famille des aminopénicillines indiqué dans le traitement des infections bactériennes.

 

Concrètement, le gouvernement français a passé un accord avec treize laboratoires pour garantir la disponibilité de cette bêtalactamine qui reste l’antibiotique le plus consommé en France.

 

L’accord en question stipule que le prix de l’amoxicilline augmentera de 10%. En contrepartie, le laboratoire Biogaran s’est engagé à fournir 13 millions de boîtes d’amoxicilline à l’Hexagone, soit une hausse de production de 13% par rapport à l’année passée. L’assurance-maladie prendra en charge 65% du prix du médicament. Quant aux patients, ils vont devoir débourser 2,29 euros de leur poche pour une boîte de 14 comprimés d’amoxicilline.

 

D’après l’accord signe avec les industriels, ces derniers ont l’obligation de rehausser leur production, faute de quoi ils vont devoir rembourser le trop-perçu. Dans le cas où cette expérience s’avère concluante, le ministère de la Santé pourra étendre ce type d’accord à d’autres médicaments essentiels qui connaissent des ruptures.

 

La France n’est pas le seul pays à envisager des mesures incitatives pour les industriels. Confrontée à des pénuries de certaines formes pédiatriques d'antibiotiques, l’Allemagne a adopté en 2023 une loi autorisant les entreprises pharmaceutiques à augmenter une fois leurs prix de vente jusqu'à 50% du dernier prix de référence en vigueur.

 

Au Maroc, depuis l'entrée en vigueur en 2013 du Décret 2-13-852 relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments, les baisses de prix des médicaments se succèdent à un rythme effréné. Résultat des courses : la rentabilité de nombreux médicaments et particulièrement les médicaments dits à petit prix est compromise. L'administration a essayé de rattraper le tir en autorisant in extremis l'augmentation des prix d'une poignée de molécules comme l'acénocoumarol, le phénobarbital, et la vitamine K. Mais, comme le benchmark n'a été appliqué que dans le sens de la baisse, d’autres médicaments risquent de disparaître du marché marocain. 

 

Pour conclure, sachant que l’approvisionnement en matière première de l’industrie pharmaceutique opérant au Maroc est tributaire du marché mondial. Le Royaume sera, de plus en plus acculé, à choisir entre un prix bas et la disponibilité des médicaments. Ce choix cornélien ne lui sera malheureusement pas épargné. Le bon sens voudrait qu’il opte, autant que faire se peut, pour des prix justes pour ne pas priver les malades de traitements dont ils ne peuvent pas se passer.

Source : PHARMANEWS