Article N° 7522

RUPTURE DE STOCK

Médicaments : quand la rentabilité hypothèque la disponibilité?!

Abderrahim Derraji - 26 décembre 2022 09:28

Depuis que les autorités chinoises ont commencé à assouplir leur politique de «zéro Covid», le nombre de cas de Covid-19 est reparti à la hausse. Peu immunisés à cause de cette même politique et insuffisamment protégés par la vaccination, les Chinois risquent de vivre des semaines compliquées, avec une reprise spectaculaire de l'épidémie.

Avec cette recrudescence de la Covid-19, on assiste à une augmentation des besoins en médicaments de la population Chinoise et une perturbation de l’approvisionnement en médicaments dans de nombreux pays.

Ces pays connaissent actuellement une pénurie en amoxicilline, comme c’est le cas en France où les ruptures en médicaments ont augmenté de 15 % par rapport à 2021. Le nombre de molécules en tension dans ce pays est estimé à 3.000. Selon des experts, la situation ne devrait revenir à la normale qu’au mois de mars prochain.

La situation ne se cantonne pas à l’Hexagone. D’après le Groupement pharmaceutique de l’Union européenne (PGEU), 25 des 27 États européens connaissent des pénuries en amoxicilline. L’Italie, la France, le Royaume-Uni, l’Espagne et le Portugal sont les plus touchés. D’autres pays comme les États-Unis, le Canada et l'Australie sont également affectés par ces pénuries.

Ces perturbations s’expliquent par des facteurs structurels associés à baisse de la production liée à la pandémie de Covid-19 et à la résurgence de l’épidémie en Chine.

En effet, en 2020 et en 2021, l’adoption des mesures barrières s’était accompagnée d’une baisse de la consommation de médicaments, ce qui a poussé les industriels à revoir leur production à la baisse. Mais la fin des mesures barrières a provoqué une recrudescence des maladies hivernales et une augmentation de la consommation de médicaments. Les industriels ont été dans l’impossibilité d’adapter leur production à la demande. Et même s’ils décident d’augmenter leur production, il faut plusieurs mois pour combler le déficit en médicaments.

La reprise épidémique en Chine a aggravé la situation puisque l'augmentation des besoins des malades en médicaments a poussé la Chine à réquisitionner des sites de production. Selon France Info, un fabricant d'ibuprofène opérant dans la province du Shandong, au sud de Pékin, a vu ses exportations en ibuprofène «mises en pauses».

Or, la plupart des médicaments de grande consommation sont sous-traités par les pays Occidentaux à l’Inde et à la Chine. Peu rentables et nécessitants de gros investissements, les pays occidentaux ont préféré délocaliser leur production en Asie. En faisant de la sorte, ils ont accentué leur dépendance de ces pays.

Pour conclure, cette situation inquiétante et inédite, nécessite une remise en question globale pour mettre fin à la concentration de la production des matières premières et des médicaments dans 2 ou 3 pays asiatiques. En attendant, on peut inciter les professionnels de santé à n’utiliser les antibiotiques que quand c’est vraiment nécessaire. Il faut également plus de solidarité entre les nations. On a tous en mémoire certains comportements qui avaient prévalu en 2020 quand certains pays n’avaient pas hésité à proposer de meilleurs prix aux fournisseurs chinois pour se procurer des masques ou d’autres produits de santé qui étaient initialement destinés à d’autres pays. 

Source : PharmaNews