Article N° 6738

HYDROXYCHLOROQUINE

Hydroxychloroquine : les torts sont-ils partagés ?

Abderrahim DERRAJI - 28 mai 2020 09:40

La sentence vient de tomber : l'usage de l'hydroxychloroquine (HCQ) n'est plus autorisé dans le traitement de la Covid-19 en France, comme l'avait rendu possible une dérogation datant du 23 mars dernier.

Dorénavant, l’HCQ ne peut être délivrée en France qu'avec une prescription initiale d'un rhumatologue, un dermatologue ou un autre spécialiste. Elle peut également être renouvelée par un omnipraticien.

Le recours à cette molécule dans la prise en charge du SARS-CoV-2 a essuyé à la fois un avis défavorable du Haut Conseil de santé publique (HCSP) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Le gouvernement français n’avait de ce fait d’autre choix que d’abroger le décret autorisant l’utilisation hors AMM de cette molécule et de publier un nouveau décret qui sonne le glas de l’utilisation de l’HCQ.

La saisine du HCSP par le ministre de la Santé, Olivier Veran, fait suite à la publication, le 22 mai, des résultats d’une étude rétrospective, qui s’appuie sur un vaste registre de dossiers médicaux. Cette étude a révélé une plus forte mortalité chez les patients hospitalisés pour cause de Covid-19 et traités par la chloroquine et l’HCQ, associée ou non à un macrolide. Elle a également mis en évidence plus d’arythmies cardiaques chez les patients traités par ces molécules.

Cette décision prise par l’Hexagone vient s’ajouter à celle adoptée par  l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a annoncé , lundi dernier, la suspension «temporaire» des essais cliniques de l'HCQ menés dans plusieurs pays.

L’HCQ adulée par les uns et diabolisée par les autres a compliqué la tâche des décideurs politiques qui craignent de devoir rendre compte pour avoir autorisé l’utilisation de cette molécule ou pour l’avoir refusée. La médiatisation à outrance qui a accompagné ce dossier brûlant a transformé un débat contradictoire censé se régler entre experts, en un débat passionnel entre deux clans distincts les pro-Raoult et les anti-Raoult. Chaque clan se surpasse pour prêcher pour sa paroisse, sachant que les nouvelles conditions d’utilisation de ces antipaludéens peuvent donner lieu à des ajustements pour adapter les protocoles thérapeutiques à l’évolution de la pandémie ou à l’apparition d’événements indésirables imputables à ces protocoles. L’intérêt des patients pendant cette période compliquée ne peut être garanti à coup de buzz ou par des sondages d’opinion.

Certes, les avis des experts divergent au sujet du recours à cette molécule, mais personne ne peut avoir entièrement tort ou entièrement raison. Les études se suivent et ne se ressemblent pas et les interférences nous privent de la sérénité nécessaire pour prendre les bonnes décisions.

La crise sanitaire et les enjeux socio-économiques rendent toute prise de décision lourde de conséquences. Et quand bien même une décision peut sembler opportune au début de l’épidémie, elle peut être décriée une fois qu’on commence à voir le bout du tunnel.

Aussi, les politiques doivent évaluer constamment le «rapport bénéfices/risques» de leurs décisions, sachant que le volet technique ne peut être confié qu’à de vrais experts plaçant l’intérêt des malades et du pays au-dessus de toutes les autres considérations.

Source : PMA