Article N° 6441

RUPTURE DE STOCK

Un seul “médicament” vous manque et tout est dépeuplé !

Abderrahim DERRAJI - 30 juillet 2019 11:18

Plusieurs patients sont actuellement en train de faire le tour des pharmacies à la recherche d’une boite ou deux de Lévothyrox, soit par qu’ils n’en ont plus, soit pour constituer un stock de quelques semaines ou quelques mois.

Conscient de l’impact d’une telle rupture sur la santé des patients, le ministère de la Santé a rapidement réagi en publiant, le 16 juillet, un communiqué pour expliquer l’origine de cette pénurie, tout en promettant une stabilisation de l’approvisionnement du marché en Lévothyrox à partir de fin juillet. Seulement, et comme c’était prévisible, cette annonce du ministère de la Santé censée rassurer les professionnels de santé et les patients, a été aussi à l’origine d’un vent de panique chez les malades, d’autant que ce médicament n’a aucune alternative thérapeutique commercialisée au Royaume.

Les ruptures ne datent pas d’aujourd’hui, et ne sont pas non plus propres à notre pays. La situation est très préoccupante dans plusieurs pays, notamment en France et en Belgique. L’Hexagone vient d’adopter une feuille de route pour faire face aux ruptures de stock. Quant à la Belgique, un collectif de médecins vient d’exhorter les industriels à réfléchir de manière concertée avec les autres intervenants pour trouver une solution globale à ce problème majeur au niveau européen.

Les raisons de ces ruptures sont multiples et complexes. D’une part, on assiste à une concentration de l’industrie pharmaceutique. À titre d’exemple, l’antiparkinsonien Sinemet n’est produit que dans un seul site industriel aux États-Unis. Tout dysfonctionnement qui touche ce site impactera forcément l’approvisionnement mondial en Sinemet.
D’autres raisons expliquent ces ruptures de stock comme le renforcement des contrôles règlementaires et le nombre limité des fournisseurs de matière première à travers le monde. La plupart des principes actifs sont produits aujourd’hui en Chine ou en Inde.

Les pharmaciens marocains sont souvent pris au dépourvu et ne savent que dire à leurs patients, surtout quand il s’agit d’un produit ne disposant pas d’un équivalent comme c’est le cas du Lévothyrox et Konakion. Quand un équivalent existe, le problème se pose différemment surtout quand il s’agit d’un médicament à forte rotation. La rupture de la référence la plus vendue est suivie d’une cascade de ruptures qui touchent tous les médicaments équivalents à cette référence. C’était le cas d’une rupture de stock qui a touché l’année dernière plusieurs contraceptifs oraux au Maroc. Dès que les deux contraceptifs les plus vendus sur le marché marocain ont connu une pénurie, la plupart des autres contraceptifs ont connu le même sort à quelques semaines d’intervalle.

Le passage PPM-PPV en 2014 qui a suivi la publication du Décret de fixation des prix des médicaments a également été à l’origine de plusieurs ruptures de stock évitables. Ces perturbations d’approvisionnement ont été provoquées par la mise en application d’une feuille de route boiteuse qui a été imposée à tous les acteurs du secteur.

Et que dire de ces médicaments dont les prix doivent absolument être réajustés pour que les industriels ne continuent pas à les commercialiser à perte ? Chaque augmentation de prix, même de quelques dirhams pour les maintenir sur le marché, est suivie d’un lynchage médiatique du ministre de la Santé. Échaudé par les articles incendiaires, le ministre réfléchit plutôt deux fois qu’une avant de réajuster le prix d’un médicament. Mais quand il ne le fait pas, il est quand même lynché à cause des pénuries conséquentes au défaut de réajustement des prix !

Aujourd’hui, certaines pénuries sont à la fois inévitables et inadmissibles et face auxquelles presque tous pays sont désarmés pour le moment. Par contre, certaines ruptures peuvent être évitées notamment en mettant en place une stratégie concertée en renforçant la transparence et en appliquant intelligemment les dispositions légales relatives au stock de sécurité. Bien évidemment, en attendant la mise en place d’un nouveau cadre plus adapté à la réalité du terrain.
Version PDF : 
https://pharmacie.ma/uploads/pdfs/pharmanews502.pdf

Source : PHARMANEWS