Article N° 6437

PHARMACIE

Tout ça pour ça!

Abderrahim DERRAJI - 22 juillet 2019 17:09

C’est par milliers que les bacheliers ont passé cette année le concours pour pouvoir suivre des études de pharmacie dans l’une des quatre facultés que compte le Maroc.

Ils ne sont pas les seuls à caresser le rêve de devenir pharmaciens puisqu’un nombre important d’étudiants a également choisi d’autres destinations plus ou moins lointaines pour pouvoir décrocher le précieux sésame. Un long cursus et des études difficiles attendent tous ces étudiants avec à la clef un diplôme qui n’est malheureusement plus en phase avec la réalité de l’exercice officinal au Royaume.

En effet, dans de nombreux pays, les déserts médicaux, le vieillissement de la population et l’augmentation des pathologies chroniques ont contraint les autorités sanitaires à conférer aux pharmaciens de nouvelles missions. Celles-ci nécessitent une adaptation du cursus universitaire, une formation continue efficiente des pharmaciens déjà installés et une adaptation du cadre légal qui régit l’exercice officinal.

La marge commerciale que perçoit le pharmacien d’officine sur chaque boite vendue est aussi en train d’évoluer vers des honoraires de dispensation et de suivi des malades. Cette forme de rémunération à l’avantage de ne pas être impactée par les baisses des prix des médicaments.

Les pharmaciens qu’ils soient formés au Maroc ou ailleurs déchantent dès qu’ils prennent connaissance de la réalité de la profession pharmaceutique, une profession qui n’a pas su ou pu s’adapter à un environnement particulièrement hostile. À ceci, il faut ajouter la lenteur avec laquelle l’administration traite les différents dossiers de la profession ce qui accentue la vulnérabilité de la pharmacie et fait d’elle une proie facile pour toutes les convoitises.

Parmi les aberrations qui intriguent les nouveaux pharmaciens, il y a l’inadéquation entre la pratique officinale et le cadre juridique régissant la pharmacie marocaine.

Dans de nombreux pays, le législateur a prévu des dispositions permettant au pharmacien de renouveler en toute légalité une ordonnance et même de prescrire certains médicaments comme c’est le cas en France ou encore au Canada. Ces dérogations permettent au malade chronique de ne pas être privé de son traitement. Au Maroc, en dehors des psychotropes et certains médicaments pouvant faire l’objet d’usage déviant, les autres spécialités pharmaceutiques sont généralement renouvelées, surtout quand le malade n’a pas de couverture médicale. Le patient n’est de ce fait pas privé de ses médicaments et c’est plutôt une bonne chose. Seulement et contrairement aux autres pays, dans la plupart des cas de figure le pharmacien le fait en toute illégalité puisque la loi en vigueur ne prend pas en considération la réalité de l’exercice officinal au Maroc.

En ce qui concerne le suivi des malades, la plupart des pharmaciens sont équipés d’un tensiomètre, d’un glucomètre, d’un pèse-personne et d’un pèse-bébé, ce qui leur permet de rendre de loyaux services aux malades chroniques. Seulement, ces services ne sont pas valorisés et aucun cadre juridique ne prévoit leur mise en place et encore moins leur rémunération.

Dans les différents discours prononcés par le ministre de la Santé, notamment lors du dernier Forum pharmaceutique international qui s’est tenu à Marrakech au début du mois, on sent une volonté de faire évoluer la pratique officinale. Mais cette volonté affichée risque de ne pas se transformer en mesures concrètes tant que les composantes de la profession n’ont pas élaboré une vraie feuille de route pour remettre la profession sur les rails et lui permettre d’être en phase avec l’évolution qu’elle connaît à travers de nombreux pays. La régulation de la profession est également un élément clé. Des mesures concrètes et urgentes doivent être prises pour mettre fin à certains dépassements, notamment en matière d’horaires. Ces comportements déviants mettent de nombreux pharmaciens en difficultés économiques et compromettent l’esprit de confraternité que prévoit le Code de déontologie.

Source : PHARMANEWS