Article N° 6203

PHARMACIE

Décembre : l’heure est aux bilans !

Abderrahim DERRAJI - 11 décembre 2018 06:55

Chez les pharmaciens, le mois de décembre est synonyme d’inventaires et de bilans, mais le hasard a voulu que ça soit également le mois où ont été promulgués ou publiés les principaux textes de loi qui régissent le secteur de la pharmacie, à commencer par le Dahir portant règlement sur l’importation, le commerce, la détention et l’usage des substances vénéneuses. Ce texte de loi quasi centenaire et toujours en vigueur a été signé de la main d’Urbain Blanc, le 2 décembre 1922.

Le Dahir n° 1-06-151 portant promulgation de la loi n° 17-04 a été aussi publié au mois de décembre 2006. De nombreuses dispositions de cette loi portant Code du médicament et de la pharmacie nécessitent aujourd’hui une réactualisation pour qu’elles puissent de s’adapter à l’évolution que connaît le secteur. Paradoxalement, certains textes d’application de cette même loi n’ont toujours pas été publiés. Pire, même quand les textes d’application existent, leur effectivité reste tributaire du bon vouloir de l’administration. À titre d’exemple, les dispositifs médicaux stériles qui font partie du monopole du pharmacien depuis 2006 continuent à être vendus comme n’importe quelle vulgaire marchandise, sans aucun respect des exigences les plus élémentaires que nécessitent ces produits sensibles. Pourtant, le Dahir n ° 1-13-90 portant promulgation de la loi 84-12 relative aux dispositifs médicaux, ses décrets et ses arrêtés ont bel et bien été publiés. Pour que ces textes deviennent effectifs à 100%, l’administration attend la publication de la pharmacopée de référence. Or la pharmacopée a déjà été prévue par le Dahir de 1960 et devrait, de ce fait, s’appliquer en attendant la publication de l’arrêté en question.

Le Dahir portant loi n° 1-75-453 instituant un Ordre des pharmaciens a aussi vu le jour le 17 décembre 1976. Ce texte qui était valable à une époque où le nombre de pharmaciens dépassait à peine quelques centaines, est devenu aujourd’hui anachronique et ne permet plus aux conseils de l’Ordre de réguler une profession qui compte plus de 11.000 ressortissants.

Un autre texte qui n’est pas moins important a été publié le 18 décembre 2013. Il s’agit du Décret 2-13-852 relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés. Ce texte a eu un effet immédiat puisqu’il a nivelé vers le bas, aussi bien le prix des médicaments que le moral de tous les acteurs du secteur. À ceci, s’ajoutent les baisses quinquennales qui affectent régulièrement les prix des princeps et de leurs génériques. Ce texte de loi, qui a été à l’accès aux médicaments ce que le mercurochrome est à la jambe de bois, a eu des effets pervers du fait que les médicaments ayant un prix inférieur au prix en vigueur dans les pays du benchmark n’ont pas été revus à la hausse. Ceci explique en partie les pénuries récurrentes qui affectent un grand nombre de spécialités pharmaceutiques.

Le 29 décembre 2004 est également un jour que les pharmaciens ne sont pas prêts d’oublier puisque c’est la première fois qu’ils ont fait une grève avec fermeture de la totalité des officines du pays. Cette grève et celle du 7 janvier 2005 ont permis aux pharmaciens d’engager un bras de fer qui a permis de dépouiller le projet de la loi 17-04 d’un grand nombre d’aberrations.





C’est également la date du 3 décembre 2018 que la Confédération des Syndicats des pharmaciens a choisie pour organiser un sit-in devant le ministère de la Santé. Ce sit-in mémorable a connu une large participation des officinaux qui ont fait le déplacement des quatre coins du Royaume pour manifester leur désapprobation vis-à-vis de la dégradation de leurs conditions de travail et de leur situation économique désastreuse. De son côté, la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc a aussi appelé à une grève le 27 décembre.

Malheureusement, la Direction du médicament et de la pharmacie n’a pas su ou pu, durant la dernière décennie, jouer le rôle qui lui incombe pour accompagner un secteur qui a eu à subir, entre autres, le cataclysme des baisses de prix. Avec l’arrivée du nouveau directeur du médicament et de la pharmacie, le secteur a timidement renoué avec l’espoir. Mais, sans signaux forts et des actions concrètes avec un effet à court terme, le secteur risque de perdre, en peu de temps, des acquis qui ont demandé plusieurs décennies de sacrifices et d’efforts.
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Source : PharmaNEWS