Article N° 6079

CONFLIT D'INTERET

Conflit d’intérêts ou simple conflit!

Abderrahim DERRAJI - 09 juillet 2018 07:26

Ces derniers temps, l’expression "conflit d’intérêts" est de plus en plus évoquée dans les colonnes de nos quotidiens et à travers la Toile. Et si nous devons nous interroger sur certaines pratiques douteuses, on ne devrait pas nous en arrêter là. L’honnêteté intellectuelle voudrait qu’on s’interroge également sur l’impact d’une simple insinuation ou d’une accusation non fondée sur la dignité et sur la crédibilité d’une personne ou d’une institution.

L'expression "conflit d'intérêts" peut être désignée comme étant une situation avérée ou apparente dans laquelle un individu (ou une organisation) est soumis à des intérêts multiples du fait des fonctions ou des responsabilités occupées dans des institutions publiques, une entreprise, une association, une fondation, etc. Ces intérêts multiples peuvent entrer en opposition et corrompre les décisions ou la façon d'agir.

Certains professionnels peuvent être plus facilement exposés aux conflits d’intérêts, à l’image des conseillers financiers, des ingénieurs, des économistes, etc. Mais, il n’y a pas que ces professionnels qui en sont concernés, certains emplois ou missions ne peuvent être cumulés du fait qu’ils sont déontologiquement incompatibles ou prohibés par la réglementation en vigueur. On peut citer, par exemple, certaines fonctions d’agent public (fonctionnaire, expert judiciaire, témoins…), d’homme politique, d’avocat, etc. De même, un médecin ne peut vendre les médicaments qu'il prescrit, ni être en même temps pharmacien, l’architecte ne peut pas non plus, sur le même chantier, être aussi entrepreneur, etc.

Et que dire des responsables d’instances professionnelles dont la noblesse de la mission leur impose, plus qu’à quiconque, de ne pas avoir de conflits d’intérêts ?

Plusieurs actions peuvent être menées pour prévenir les conflits d'intérêts, notamment l’adoption d’une charte déontologique, la mise en place d’une réglementation relative au cumul de mandats, de fonctions ou de professions, la séparation des pouvoirs et la séparation entre la fonction publique et les activités marchandes.

On peut également obliger les personnes concernées à déclarer leurs liens de parenté ou de connexité et à décliner, si besoin est, toute mission présentant un conflit d'intérêts.

De nombreux pays ont adopté des mesures pour renforcer la transparence, à l’image de la France qui a mis en ligne une base de données accessible à tous les internautes (1). Ce site internet permet d’accéder aux déclarations des entreprises relatives aux liens d'intérêts qu'elles entretiennent avec les acteurs du secteur de la santé. Pilotée par le ministère des Solidarités et de la Santé, cette initiative vise à préserver la nécessaire relation de confiance entre les citoyens, les usagers et les multiples acteurs du système de santé.

Dans notre secteur, les liens d’intérêt ne manquent pas. Des commissions sont désignées afin de statuer au sujet de la mise sur le marché marocain d’une nouvelle spécialité pharmaceutique ou sur son éventuelle prise en charge par les caisses d’assurances maladies. Les enjeux en question devraient suffire pour que la transparence ne puisse souffrir d’aucune dérogation. Les experts qui prennent part à ces commissions doivent être neutres et impartiaux pour traiter l’ordre du jour programmé par ces commissions. Mais sans la déclaration de leurs "intérêts" et sans la publication des intérêts des uns et des autres, on contribue, sans le vouloir, à créer un climat de suspicion peu propice au bon fonctionnement de ces commissions.

Bien évidemment, il y a encore du chemin à parcourir. Les ego démesurés combinés à une sous-estimation des risques ne nous ont pas permis de mettre en place les garde-fous garantissant la transparence requise. Mais les choses finiront par s’accélérer, d’autant plus qu’il y a de plus en plus de lanceurs d’alerte qui arpentent les réseaux sociaux. La bonne gouvernance et la transparence s’imposent, de ce fait, comme étant la seule voie possible.   

(1) https://www.transparence.sante.gouv.fr/flow/main?execution=e1s1

Edito sous format PDF 

Source : PharmaNEWS 449