Article N° 2763

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Le baclofène de plus en plus prescrit, et ses effets secondaires de plus en plus rapportés

Zitouni Imounachen, docteur en pharmacie - 10 juin 2025 02:40

Les ventes de baclofène, un médicament initialement destiné à lutter contre les spasmes musculaires, ont fait un bond de 52 % entre 2011 et 2012 depuis qu'il est également prescrit pour traiter l'addiction à l'alcool. Cette explosion des ventes a été suivie par une hausse encore plus forte du nombre de déclaration d'effets secondaires, rapporte l'Agence du médicament (ANSM).

Le comité technique de pharmacovigilance fait ainsi état de 263 cas d'effets secondaires pour l'année 2012 ; 93 graves et 170 non graves, ce qui correspond à une hausse de 160 %. «Cela est probablement dû à une moindre sous-déclaration des cas par les médecins», explique le Pr Michel Reynaud, chef du service addictologie à l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif et responsable d'Alpadir, l'un des deux essais cliniques actuellement en cours en France pour évaluer l'efficacité du baclofène contre l'alcoolisme.

Ce nouvel usage du médicament a été rendu célèbre par le succès en 2008 du livre Le Dernier Verre, du Dr Olivier Ameisen, décédé le 18 juillet dernier. Il s'était aperçu que le baclofène lui avait fait perdre l'envie de boire de l'alcool.

Les effets indésirables les plus courants «sont les troubles neurologiques (33 %), les troubles psychiatriques (21 %) et les troubles gastro-intestinaux (10 %)», rapporte le comité de pharmacovigilance. Une comptabilité qui correspond à ce qu'observe le Pr Michel Reynaud avec ses patients, citant des cas de «somnolence, de tremblement, d'instabilité et de ralentissements, avec des cas plus graves mais aussi plus rares d'états dépressifs ou maniaques.»

«10 à 20 % des sujets ont des effets indésirables qui peuvent amener à l'arrêt de leur traitement, reconnaît Michel Reynaud. Il faut être réaliste, ce n'est pas un produit miracle, qui n'est pas dénué d'effets secondaires et qui ne fonctionne pas sur la totalité des patients. Mais cela n'enlève en rien son très grand intérêt pour lutter contre la dépendance à l'alcool. La plupart des patients préfèrent avoir un peu de somnolence mais être libérés de leur addiction.»

L'Agence du médicament est d'ailleurs loin de demander l'arrêt des expériences dans le domaine. Elle prépare une recommandation temporaire d'utilisation, «qui encadrera mieux les prescriptions des médecins pendant une période limitée à trois ans», précise Nathalie Richard, directrice adjointe à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Source : Le Figaro