Article N° 2257
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Médicaments anti-rhume, faut-il s’en inquiéter?
Dr Abderrahim Derraji - 12 décembre 2012 23:44L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM /France) a publié le 11 décembre 2012 un communiqué au sujet des médicaments décongestionnants de la sphère ORL renfermant un vasoconstricteur. Ce communiqué a pour objectif d'attirer l'attention des professionnels de santé sur les effets indésirables (EI) qui peuvent être exceptionellement observés lors de l'utilisation de ces médicaments. En effet, des données françaises récentes et actualisées de pharmacovigilance fontétat d'EI cardiovasculaires et neurologiques imputablesaux décongestionnants renfermant un vasoconstricteur et particulièrement les spécialités administrées par voie orale.
Rappelons que ces spécialités pharmaceutiques font l'objet de surveillance attentive depuis des années. De nombreuses études ont été réalisées à la demande de l'ANSM (Ex Afssaps). Suite à celles-ci, les spécialités contenantphénylpropanolamine sont devenues à prescription obligatoire et non renouvelable puis ils ont été définitivement retirés du marché français. L'Agence française a également exigé des laboratoires produisant des spécialités contenant des vasoconstricteurs d'ajouter à leur RCP (Résumé des Caractéristiques du Produit) des mentions pour renforcer la sécurité d'emploi de ces médicaments.
Déjà en 2011, cette même agence a diffusé une information sur la sécurité d'emploi et le bon usage de ces spécialités. Dans son communiqué elle a précisé que : «Quinze cas graves d'effets indésirables cardiovasculaires (décrivant notamment hypertension artérielle et crises d'angor) ou neurologiques (avec notamment convulsion et accident vasculaire cérébral) avaient été rapportés au cours de l'année 2011. Ces quinze cas sont à rapporter au nombre très important de patients traités (plusieurs millions de boîtes sont vendues chaque année en France). Ces signalements d'effets indésirables graves ont incité l'Agence à faire actualiser l'enquête française de pharmacovigilance. »
Les données récentes et actualisées de pharmacovigilance ont confirmé la survenue de ceseffets indésirables cardiovasculaires et neurologiques le plus souvent grave chez les utilisateurs de ces médicaments. Un mésusage est retrouvé, surtout avec les formes orales. Les effets indésirables cardio-vasculaires et neurologiques sont plus souvent notifiés avec les formes orales qu'avec les formesnasales.
A la suite de ce constat, le passage en prescription médicale obligatoire a été préconisé par la Commission Nationale de Pharmacovigilance (France). Mais L'ANSM n'envisage pas pour le moment d'appliquer de façon générale et indifférenciée cette mesure à l'ensemble des vasoconstricteurs. Elle pourrait toutefois être appliquée à certaines spécialités faisant l'objet d'un usage détourné. En attendant, l'ANSM a mis en ligne un document rappelant les règles de bon usage de ces produits pharmaceutiques ainsi que la liste des spécialités concernées.
Parmi ces règles de bon usage, l'ANSMpréconise le respect stricte de la dose maximale journalière et de la durée du traitement, la non administration de ces médicaments chez les malades âgés de moins de 15 ans et chez les patients présentant une hypertension artérielle sévère ou mal équilibrée, d'antécédents d'accident vasculaire cérébral (AVC) ou de facteurs de risque susceptibles d'en favoriser la survenue, d'insuffisance coronarienne sévère ou d'antécédents de convulsion. L'association de deux médicaments décongestionnants de la sphère ORL renfermant un vasoconstricteur est également à proscrire vu son inutilité etvu les risques auxquels elle expose le patient.
Au Maroc, l'utilisation de ces médicaments est largement répondue soit en conseil ou sur prescription médicale. Les professionnels de santé suivent de très près ces décongestionnants de la sphère ORL. Et comme il est de coutume, une réunion de la commission nationale de pharmacovigilance ne va probablement pas tarder à se tenir. Les experts de celle-ciévalueront sereinement le rapport bénéfice sur risque de ces médicaments au Maroc avant de prendre les décisions les plus appropriées. La publication par le ministère de santé d'une circulaire officielle au sujet de cette classe de médicaments, reste le seul remède qui coupera courtaux méfaits d'une couverture médiatique qui se nourrit, bien trop souvent, de scoop et de sensationnel...
Source : PMA