Article N° 7573

GRÊVES

Grève des pharmaciens : J-11 !

Abderrahim DERRAJI - 01 avril 2023 13:39

Toutes les représentations syndicales des pharmaciens d’officine sans exception préparent la grève qui aura lieu le 13 avril 2023. 

Cette fois-ci, la profession parle la même voix. La détermination des pharmaciens ne laisse aucun doute, ce qui n’est pas sans nous rappeler les grèves que les officinaux avaient organisées en 2005 pour protester contre la première mouture du Code du médicament et de la pharmacie. Sans leur mobilisation, ce texte de loi ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui.

On peut dire que les pharmaciens se sont presque habitués à recevoir des coups, mais cette fois-ci la situation dépasse l’entendement, particulièrement depuis le lynchage médiatique qu’ils ont eu à subir après la publication du dernier rapport de la Cour des comptes.

Si l’on se fie aux déclarations des différents responsables, c’est le projet d’un nouveau texte de fixation des prix des médicaments qui leur fait craindre le pire. Ce projet, s’il voit le jour et sans prendre en considération la situation économique de la pharmacie, risque de constituer le coup de grâce à une profession qui peine à joindre les deux bouts particulièrement, depuis l’entrée en vigueur en 2014 du Décret 2-13-852 relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés.

Ce texte a remplacé les marges des médicaments dont le prix public de vente (PPV) est supérieur à 962,70 DH par des forfaits.

Sur la tranche dite T3 qui concerne les médicaments ayant un prix inférieur à 2.875 DH, le pharmacien perçoit un forfait brut de 300 DH. Quant aux médicaments dont le prix est supérieur à 2.875 DH, le forfait a été fixé à 400 DH. Si on transforme ce forfait en marge brute, celle-ci sera de 4% pour un produit de 10.000 DH et de 1% pour un produit de 40.000 DH. 

Pour compenser le manque sur T3 et T4, l’administration a accordé au pharmacien une marge de 33,93% sur les médicaments dont le PPV est inférieur à 280,60 DH. Mais que vaut une bonne marge sur un prix qui ne cesse de dégringoler ?

La nécessité de revoir la rémunération des pharmaciens s’impose, parce qu’après tout, ce qui importe ce professionnel de santé ce n’est pas son chiffre d’affaires, mais plutôt le revenu qu’il peut en dégager.

À défaut de limiter les baisses des prix des médicaments qui sont devenues inéluctables, il devient impératif de mettre en place des honoraires remboursables par les caisses qui viendront s’ajouter aux marges sur le médicament. C’est la solution adoptée par de nombreuses nations afin de compenser l’impact des baisses des prix des médicaments sur l’économie de la pharmacie.

L’exercice officinal s’est particulièrement compliqué ces dernières années. Le pharmacien assiste à une augmentation exponentielle des présentations des médicaments génériques, sachant qu’il est un des rares pharmaciens au monde à ne pas pouvoir remplacer un médicament par un autre appartenant au même tableau des génériques. Cela est valable même si le produit en question à un prix inférieur à celui qui est prescrit par le médecin. Pire, même quand le produit est en rupture, aucune substitution ne peut être envisagée !

En ce qui concerne le monopole du pharmacien, celui-ci se réduit comme une peau de chagrin. L’exercice illégal de la pharmacie est devenu un sport national. Pourtant, il y a bien un circuit légal du médicament et du dispositif médical, mais ce circuit est souvent transgressé et Internet n’arrange pas les choses.

De temps à autre, les pharmaciens prennent connaissance d’une nouvelle circulaire rappelant aux différents opérateurs la nécessité de respecter le circuit légal du médicament. Malheureusement, ces circulaires semblent avoir l’effet du mercurochrome sur une jambe de bois !

En plus de tous ces dysfonctionnements et ils ne sont pas les seuls, le courant ne passe pas entre les pharmaciens et leur tutelle. Ce défaut de communication empêche toute collaboration permettant d’apporter des solutions aux différentes problématiques de la profession et de mettre en place des mécanismes pour faire évoluer la pharmacie au Maroc. 


Pour conclure, la grève programmée par les pharmaciens ne peut être interprétée que comme un signe extérieur d’un mal qui ne cesse de gangrèner la profession depuis plus d’une dizaine d'années. Plus qu'une marge ou un revenu, les pharmaciens attendent davantage de considération, d’être traités comme des partenaires et, surtout, de pouvoir vivre dignement de leur métier! 

Source : PharmaNEWS