Article N° 5275

VALPROATE

DEPAKINE : la communication ne suffit pas !

Abderrahim DERRAJI - 23 août 2016 06:26

De nombreux quotidiens et sites Internet marocains ont publié, la semaine dernière, des articles au sujet de la tératogénicité du valproate, principe actif de la DEPAKINE® et de ses génériques. Certains journalistes ont même donné l’impression de découvrir la «supercherie du siècle» et le titre habituel « Un médicament dangereux continue à être commercialisé au Maroc… », a été une fois de plus réutilisé!

Par ces titres accrocheurs, dont le seul objectif est d’attiser la curiosité des lecteurs, on a donné l’impression que les médicaments à base de valproate ne sont commercialisés qu’au Maroc, ce qui est totalement faux.

Une fois de plus, au lieu d’adopter des attitudes saines pour régler un problème de santé publique, chacun y est allé de son explication. La quête du sensationnel a pris le pas sur la recherche d’une information exacte au sujet de ce médicament dont la première mise sur le marché a été effectuée par Sanofi, il y a plus d’un demi siècle.
D’autres laboratoires ont, à leur tour, mis sur le marché des génériques de ce médicament anticonvulsivant. Le valproate rentre également dans la composition de deux spécialités DÉPAKOTE® et DÉPAMIDE® qui sont indiquées dans les troubles bipolaires.

Les effets tératogènes du valproate de sodium sont connus depuis le début des années 1980 (1), notamment les anomalies de fermeture du tube neural (Spina Bifida). D’autres articles publiés entre les années 1980 et 1990 ont confirmé les malformations congénitales attribuables aux antiépileptiques en général et au valproate en particulier. Et ce n’est qu’à partir des années 2000 que des observations de retards de développement et de troubles du spectre de l’autisme touchant certains enfants exposés in-utéro ont été à l’origine d’études qui ont confirmé ce sur-risque.

Le 26 mai dernier, l’ANSM (2) (Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé – France) a restreint les conditions de prescription et de délivrance du valproate et dérivés chez les filles, les adolescentes, les femmes en âge de procréer et les femmes enceintes. L’Agence exige que l’initiation du traitement soit annuellement effectuée par des spécialistes en neurologie, en psychiatrie ou en pédiatrie. Cette prescription devant être présentée au pharmacien à chaque délivrance en même temps qu’un accord de soins signé par la patiente. Malheureusement, dans la pratique ces exigences ne sont pas toujours prises en considération. Un sondage réalisé, en octobre 2015 par Vivavoice pour le compte de l’ANSM auprès de 202 pharmaciens, a démontré que 33 % d’entre eux ne sont pas au courant des nouvelles dispositions relatives à la dispensation du valproate. Cette enquête a montré aussi que 62% des patientes n’étaient que peu ou pas informés des risques encourus.

Au Maroc, le ministre de la santé vient de décider de renforcer la vigilance pour assurer le suivi des effets indésirables de ces spécialités pharmaceutiques. Le département de M. El Hossein LOUARDI a adressé une lettre d’information (3) à ce sujet aux présidents des instances professionnelles, aux directeurs régionaux de la santé, aux délégués provinciaux et aux directeurs des hôpitaux.

On ose espérer que tant que le rapport bénéfice / risque continue à justifier l’administration de ce médicament, des mesures concrètes devraient être adoptées pour sécuriser la prescription et la dispensation des médicaments à base du valproate et ses dérivés chez la femme en âge de procréer.

Les instances professionnelles ont l’obligation de relayer l’information en s’assurant que leurs membres l’ont bel et bien reçue. Il serait également opportun de prévoir des dépliants, notamment en arabe, pour informer les patientes traitées par ces médicaments ainsi que des formulaires d’accord de soin  téléchargeables à partir du site du ministère de la santé ou du site du Conseil national de l'ordre des médecins.

Le Centre marocain de pharmacovigilance (CMPV) qui suit de près cette problématique, devrait jouer un rôle clé dans l'évaluation de l’ampleur du problème. Mais pour que le CMPV puisse brosser un tableau exhaustif de la situation qui prévaut au Maroc, les professionnels de santé devraient s’impliquer davantage en notifiant tous les effets indésirables en relation avec l’utilisation du valproate et de ses dérivés.

 

 

Références: 
(1)"Enquête relative aux spécialités pharmaceutiques contenant du valproate de sodium" - Inspection générale des affaires sociales - Février 2016 - lien
(2) lien
(3) Courrier du ministre de la santé (Ar) :  lien
(4) Lettre d'information adressée par Sanofi aux professionnels de santé : lien
(6) Spécialités pharmaceutiques à base de valproate et d'acide valproïque : lien

Source : PharmaNews 353