Article N° 5158

MÉDICAMENT

« Écrasement » des comprimés : tout n’est pas permis!

Abderrahim DERRAJI , Docteur en pharmacie - 14 juin 2016 15:02

Dans les services de gériatrie, le problème de déglutition des malades pousse souvent le personnel soignant à couper ou à pulvériser un comprimé ou d’ouvrir une gélule.  Mais d’après une enquête publiée dans la revue médecine interne, dans 42% des cas, ces manipulations sont contre indiquées (1).
Ces contre-indications se justifient par un surdosage du médicament broyé ou ouvert ou par une toxicité locale. Elles peuvent aussi se justifier par une modification des propriétés physico-chimiques, pharmacocinétiques et ou pharmacodynamiques pouvant provoquer, selon les cas, une baisse d’efficacité ou un surdosage du médicament concerné.
Pour éviter ces contre-indications, les professionnels de santé peuvent être amenés à consulter le RCP des produits concernés. Ils y trouvent, dans bien des cas, des mentions telles que : «ne doit pas être croqué ou écrasé», «peut être dilué dans un verre d’eau», «doit être avalé entier», etc.

D'une manière générale, on doit éviter d’ouvrir, de couper ou d’écraser les comprimés gastro-résistants, à libération modifiée ou contenant des substances instables à l’air ou à la lumière.  De même qu’on ne peut pas diviser des médicaments ne contenant pas de rainures en raison d’éventuelles erreurs de dosage. Ceci est particulièrement vrai pour les médicaments ne disposant que d'une fenêtre thérapeutique étroite. Dans ces cas, il vaut mieux opter pour une autre présentation galénique se prêtant plus facilement à la division.

Pour aider les professionnels à s’y retrouver, le groupe de gérontologie de la SFPC(2) (Société Française de pharmacie clinique) a élaboré un tableau regroupant tous les comprimés pouvant être écrasés et les gélules pouvant être ouvertes avec des recommandations pour chaque spécialité énumérée.

Au Maroc, les pharmaciens et les médecins sont parfois confrontés à des situations où il doivent savoir si un comprimé peut être broyé ou si une gélule peut être ouverte  avant son administration. Souvent, il s’agit de personnes âgées ou d’enfants. Ils doivent, donc, disposer de données probantes leur permettant de se renseigner sur la pertinence d’une telle pratique, et le cas échéant, pouvoir proposer d’autres formes galéniques ou une autre spécialité se prêtant davantage au broyage.

Enfin, on ose espérer que les professionnels de santé finiront par élaborer une liste nationale des comprimés pouvant être écrasés et des gélules pouvant être ouvertes. En attendant, on peut toujours consulter la liste de la SFPC, mais on ne peut y trouver que certains princeps commercialisés au Maroc.

Abderrahim DERRAJI
(1) "L'écrasement des médicaments e, gériatrie, une pratique artisanale avec de fréquentes erreurs qui nécessitait des recommandations"
M. Caussin et al. La revue de médecine interne, 33 (2012), p. 546-551, Elsevier Masson
(2) Lien 

Source : PharmaNews 346