Si l’intelligence artificielle le veut bien !
Par Abderrahim Derraji, Docteur en pharmacie
Récemment, une équipe danoise a dévoilé une étude dans la revue «Nature Computational Science», mettant en lumière la capacité de l'intelligence artificielle (IA) à prédire l'âge du décès avec une précision de 78,8%. Les chercheurs ont alimenté l'algorithme Life2Vec avec les données personnelles de six millions de Danois, comprenant des antécédents médicaux, des informations professionnelles, des revenus, et le lieu de résidence. Ils ont minutieusement analysé 100.000 dossiers de patients âgés de 35 à 67 ans, dont la moitié est décédée sur une période de quatre ans entre 2008 et 2016. Ce modèle intéressant offre la possibilité de prédire les problèmes de santé ou sociaux d'un individu et de mettre en œuvre des actions pour réduire les inégalités touchant un groupe.
Il peut également être exploité par des compagnies d'assurances cherchant à sonder l'espérance de vie de leurs clients. Cet exemple illustre clairement les vastes potentialités de l'IA, destinée à impacter, voire révolutionner tous les secteurs d'activité, y compris la santé.
Dans le domaine de la cancérologie, le projet «ConSoRe» (Continuum Soins Recherche) mis en place par Unicancer et quatre centres pilotes en France vise à organiser les données massives récoltées, permettant aux médecins d'identifier des patients, de visualiser l'évolution de leur maladie, de localiser des dossiers de cancers rares, et d'utiliser des algorithmes pour le traitement. L'IA se révèle également précieuse dans le diagnostic de cancers tels que le mélanome et le cancer du sein, ainsi que dans l'établissement de corrélations entre les données génomiques et les expressions cliniques des cancers.
Les progrès de l'IA s'étendent à la prise en charge thérapeutique avec le développement d'algorithmes prédisant la réponse à la radiochimiothérapie chez les patients atteints d'un cancer du rectum, et la création de programmes d'aide à la décision thérapeutique pour les femmes atteintes d'un cancer du sein. Le domaine de la santé cardiovasculaire peut également tirer profit de l'IA, avec des algorithmes capables de prédire le risque de décès après un infarctus du myocarde ou un AVC (accident vasculaire cérébral).
L'IA trouve également son utilité en gynécologie-obstétrique, améliorant le suivi de la grossesse en suggérant en temps réel au praticien les images nécessaires pour poser un diagnostic en cas de pathologie suspectée. Pour la santé mentale, le projet «PsyCARE» vise à développer en France une IA permettant la détection précoce de la schizophrénie ou d'une psychose chronique.
Les chercheurs insistent sur le fait que l'objectif de leurs travaux n'est pas de remplacer les médecins, mais de les assister dans le diagnostic, le traitement et la prévention. Cependant, des questions éthiques sont soulevées, notamment celles concernant la déshumanisation de la médecine, le consentement éclairé des patients, la responsabilité en cas d'erreur ou de dérèglement de la machine, et la gestion des données collectées. À mesure que des progrès rapides sont réalisés dans le domaine de l’IA, les critiques se multiplient, soulignant les dangers qu’elle représente et appelant à une réglementation.
Face à ces enjeux, l'Union européenne envisage l'adoption d'une nouvelle loi encadrant l'IA, visant à garantir la sécurité, le respect des droits fondamentaux, et à maximiser les avantages technologiques tout en prévoyant des sanctions en cas de non-conformité. L'importance d'une approche proactive de tous les pays, y compris le nôtre, dans cette révolution technologique est cruciale pour en tirer profit en évitant des effets collatéraux indésirables nécessitant la mise en place de garde-fous, dont le déploiement n’est pas à la portée de toutes les nations.
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