Circuit de distribution du médicament : la circulaire de trop !
Par Abderrahim Derraji, Pharmacien d’officine
Les pharmaciens d’officine sont en rogne depuis qu’ils ont découvert que le ministre de la Santé avait adressé l’année dernière une circulaire aux pharmaciens responsables des établissements pharmaceutiques industriels (PRI) sans que les officinaux soient mis au courant. Il s’agit de la circulaire N° 82/DMP/00 (1) du 18 mars 2020 par laquelle la tutelle avait accordé une dérogation à titre «provisoire» aux PRI pour approvisionner directement les associations d’utilité publique et les Bureaux communaux d’hygiène (BMH) en médicaments.
Faut-il le rappeler, excédé par des transgressions de la Loi 17-04, le ministre de la Santé sortant, Anas Doukkali, avait adressé, le 31 juillet 2019, la circulaire 176/DMP (2) pour rappeler à ces mêmes PRI leurs obligations, entre autres, de respecter le circuit légal de vente et de distribution des médicaments tel que défini par le Code du médicament et de la pharmacie. Il les a sommés de ne pas effectuer de ventes à des entités et aux organismes non autorisés à cet effet (Associations, Bureau municipal d’hygiène, communes…).
Ce qui suscite le désarroi des officinaux, c’est que rien n’a été fait pour les tenir informés sachant qu’ils avaient remué ciel et terre pour que le circuit de distribution légal du médicament soit respecté.
Ils ne comprennent pas non plus comment une simple circulaire peut remettre en question une loi qui a été discutée des années durant pour mettre en place tous les garde-fous à même de garantir une régulation efficiente du médicament et de la pharmacie au Maroc.
Eu égard à la situation économique difficile qu’ils traversent depuis la promulgation en 2013 du Décret 2-13-852 (3), les pharmaciens nourrissaient l’espoir de voir leur ministre rendre effectives les mesures compensatoires promises aux pharmaciens par El Houssaine Louardi afin de minimiser l’impact des baisses des prix des médicaments sur leurs revenus. Au lieu de cela, le ministre de la Santé n’a pas trouvé mieux que d’adresser une circulaire qui remet en question un monopole qui n’a plus du monopole que le nom ! Et que dire de la sécurité des malades qui ne peut être garantie que par le respect strict des lois en vigueur ?
La situation sanitaire du pays a nécessité la mise en place de dérogations dans le but de garantir la disponibilité de certains produits de santé. À chaque fois que les pharmaciens ont été impliqués, ces dérogations ont donné l’effet escompté. Malheureusement, ça n’a pas toujours été le cas !
Un exemple parmi tant d’autres, les mesures adoptées par l’administration pendant la campagne grippe 2020-2021 pour garantir une accessibilité aux vaccins aux sujets qui en ont le plus besoin et dans toutes les régions du Royaume. Malheureusement, il s’est avéré qu’il s’agit d’une fausse bonne idée ! L’obligation de passer par une visite médicale et les exigences peu réalistes imposées par l’administration ont découragé un large pan des patients qui ont préféré ne pas se faire vacciner. Du coup, les pharmaciens et les grossistes répartiteurs se sont retrouvés avec un stock de vaccins invendus dont ils ne savent pas quoi en faire.
Les pharmaciens ont prévu, une fois de plus, d’entamer des actions de protestations pour que leur tutelle prenne en considération leurs doléances. On déplore que, jusqu’à maintenant, ils n’aient eu droit qu’à la politique de la sourde oreille ce qui n’est nullement de nature à apaiser le climat de tension qui prévaut actuellement dans le secteur pharmaceutique !
Affaire à suivre…
Lien :
1- https://pharmacie.ma/uploads/circulaire-082.jpg
2 : https://pharmacie.ma/uploads/pdfs/CIR-DMP-176-31-07-%202019.pdf
3 : https://pharmacie.ma/uploads//pdfs/decret_2-13_852_4_pages_fr.pdf
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