Article N° 8116
ANDROCURE - BAYER - MENINGIOME
Androcur : une patiente fait condamner trois laboratoires pour méningiomes
Abderrahim Derraji - 19 juin 2025 11:02Une femme de 55 ans, ayant pris de l’Androcur® et ses génériques pendant plus de vingt ans pour traiter un syndrome des ovaires polykystiques, a obtenu en mai 2025 une condamnation au civil contre trois laboratoires pharmaceutiques – Bayer HealthCare, Sandoz et Viatris Santé – pour défaut d’information sur les risques de ce traitement hormonal. Cette décision du tribunal de Poitiers, inédite, reconnaît un lien entre l’utilisation prolongée de l’acétate de cyprotérone et le développement de méningiomes, des tumeurs bénignes du cerveau pouvant entraîner de graves troubles neurologiques.
La plaignante souffre aujourd’hui de troubles visuels, de la mémoire et d’une fatigue importante, conséquences de plusieurs méningiomes diagnostiqués en 2013. Elle affirme n’avoir jamais été informée du risque pourtant identifié dès 2008 dans une publication scientifique. En conséquence, le tribunal a estimé que les laboratoires avaient failli à leur obligation de vigilance et de transparence, notamment en ne
mettant pas à jour suffisamment tôt les notices destinées aux médecins généralistes et pharmaciens. La condamnation simultanée des laboratoires, du médecin (2 %) et du pharmacien (1 %) s’élève à environ 325 000 euros, dont 305 000 pour la perte de chance et 20 000 pour le préjudice moral.
Bayer a annoncé son intention de faire appel, arguant que des expertises précédentes avaient écarté toute faute. L’entreprise met en cause l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui n’a intégré le risque dans la notice qu’en 2011, et estime que les fabricants de génériques sont également responsables. Toutefois, le tribunal a jugé que Bayer aurait dû mieux informer les professionnels de santé, et que
Sandoz et Viatris, dont les notices n'ont été mises à jour qu’après 2013, ont également manqué à leurs obligations.
Ce jugement pourrait faire jurisprudence. L’avocat de la plaignante évoque la préparation de 750 dossiers similaires, dont une centaine déjà en cours de procédure. Des actions pénales et une procédure
administrative contre l’État français sont également en cours.
L’Androcur®, prescrit depuis les années 1980 pour l’acné, la pilosité, la contraception ou l’endométriose, a vu ses prescriptions chuter après 2018, lorsque le lien entre le médicament et les méningiomes a été
officiellement reconnu.
La décision est saluée comme une victoire majeure par la plaignante et les associations de victimes, qui dénoncent la lenteur des laboratoires à agir alors qu’ils disposaient, selon eux, d’éléments d’alerte dès 2008. La plaignante, déterminée à continuer son combat en appel, espère que ce jugement fera avancer la reconnaissance des victimes.
Date de publication : 2025-06-08
Source : nouvelobs.com