Article N° 8086

OTC

Publicité et lobbying: la guerre des OTC est lancée

Abderrahim Derraji - 25 avril 2025 11:32
Une polémique éclate autour d’une publicité choc d’E.Leclerc mettant en avant le Vitascorbol C1000, un complément alimentaire à base de vitamine C produit par le Laboratoire Cooper. La publicité affiche un prix bas (2,20 €) et une accroche provocatrice: «Dommage qu’on n’ait pas le droit de faire pareil avec le paracétamol», attaquant ainsi le monopole des pharmaciens sur certains médicaments. Cooper, qui n’a pas donné son accord, dénonce une instrumentalisation politique et envoie une mise en demeure à E.Leclerc. Le laboratoire accuse l’enseigne de détourner l’image de Vitascorbol pour servir un combat idéologique sur l’ouverture de la vente de médicaments OTC (sans ordonnance) en grande distribution.
 
Cette affaire n’est pas isolée : en 2023, E.Leclerc avait déjà mené une campagne controversée visant les pharmaciens, les accusant d’entraver l’accès aux soins. Cette nouvelle publicité ravive le débat sur le rôle des pharmaciens dans la chaîne du médicament et sur le modèle de santé français.

Vitascorbol, bien qu’étant un complément alimentaire, reste fortement associé au conseil officinal et à la distribution en pharmacie (plus de 95 % des ventes). Son utilisation symbolique dans la campagne d’E.Leclerc remet en cause cette spécificité du lien entre produit de santé et accompagnement professionnel.

Le débat prend une tournure politique : E.Leclerc ne se contente pas de faire de la publicité, il mène une bataille pour l’accès généralisé aux médicaments en grande surface, au nom du pouvoir d’achat. Mais cette démarche suscite des inquiétudes quant à la sécurité des patients. Des syndicats comme l’UDGPO ( Union des groupement des pharmaciens d’officine) alertent depuis longtemps sur les dangers d’une libéralisation incontrôlée de la vente de médicaments, notamment le paracétamol, en raison des risques d’automédication, de surdosage, ou de mésusage. Le conseil pharmaceutique est perçu comme une barrière essentielle à ces dérives.
 
L’Ordre national des pharmaciens, pourtant garant de la déontologie de la profession, reste silencieux face à ces attaques répétées. Ce mutisme fragilise la profession, qui semble sans défense face aux offensives médiatiques et économiques de la grande distribution.
 
Le cas Vitascorbol illustre un vide juridique préoccupant : rien n’interdit aujourd’hui explicitement l’utilisation de l’image d’un produit de santé dans une publicité engagée sans l’accord du fabricant. Cette zone grise pourrait permettre d’autres détournements à l’avenir.
 
La situation pose la question urgente d’une régulation législative pour protéger les marques pharmaceutiques de toute récupération idéologique. Elle interroge aussi sur les limites du marketing dans un secteur aussi sensible que la santé.

Au fond, ce que vise E.Leclerc, ce n’est pas seulement un laboratoire, mais un système tout entier : celui d’un médicament distribué sous contrôle, avec conseil, et non réduit à une simple marchandise en rayon. Cooper tente de résister juridiquement, mais sans soutien fort des institutions, cette riposte pourrait rester symbolique. Le bras de fer entre grande distribution et profession pharmaceutique ne fait que commencer.
 

Source : pharma365.fr