Article N° 8062
USAID - PEPFAR
L’humanitaire à l’épreuve des décisions politiques
Abderrahim Derraji - 23 mars 2025 16:24La suspension soudaine de l’aide étrangère américaine a pris de court le secteur humanitaire mondial. Dépendant à près de 50% des financements américains, l’ONU et les ONG voient leurs ressources se réduire drastiquement, menaçant des millions de bénéficiaires à travers le monde. Les conséquences sont immédiates : programmes interrompus, licenciements massifs et arbitrages douloureux sur les priorités d’intervention. Cette situation met en lumière la fragilité d’un modèle reposant sur une dépendance excessive à un seul bailleur.
Donald Trump, fidèle à son discours nationaliste, justifie cette suspension par la nécessité d’évaluer l’impact de ces financements sur les intérêts américains. Derrière cet argument, c’est une vision de l’aide internationale conditionnée aux bénéfices directs pour les États-Unis qui se dessine. Depuis son premier mandat, l’ancien président a cherché à restreindre ces dépenses, considérant que seules les nations «amies» méritaient un soutien. En 2023, les aides américaines ont atteint 68 milliards de dollars et ont profité essentiellement à cinq pays «stratégiques». D’après les données de l’USAID, l’Ukraine (17 milliards), Israël (3,3 milliards), la Jordanie (1,7 milliard), l’Égypte (1,5 milliard) et l’Afghanistan figurent parmi les principaux bénéficiaires.
Aujourd’hui, ce gel budgétaire, bien que temporaire, crée une onde de choc dans des pays en développement où ces fonds étaient vitaux. La suspension de l’aide américaine soulève une question fondamentale : le financement de l’humanitaire doit-il être tributaire des aléas politiques d’une seule nation ? Il est temps de repenser un modèle plus pérenne et moins exposé aux fluctuations électorales. Comme le souligne le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’ONU, M. Fletcher, une refonte du système s’impose, avec un transfert accru du pouvoir décisionnel aux acteurs locaux et une diversification des sources de financement. Cette crise est un signal d’alarme. Elle doit inciter la communauté internationale à réaffirmer les principes de solidarité et à bâtir un système d’aide plus stable, équitable et durable.
Le Maroc figure parmi les États qui seront touchés par cette décision. Des initiatives essentielles, telles que la lutte contre le VIH, les programmes éducatifs ou la reconstruction post-séisme, seront impactées par le gel de l’aide étrangère américaine. L’ONUSIDA affirme que des actions de prévention et d’accès aux traitements, notamment dans les zones rurales, pourraient être compromises. Les projets de formation pour les jeunes en difficulté, autrefois soutenus par l’USAID, sont désormais en sursis.
Cependant, cette crise met aussi en évidence la nécessité pour le Maroc et d’autres pays de diversifier leurs sources de financement et de renforcer leur autonomie en matière de développement. L’Union européenne, la Banque mondiale ou encore des partenariats privés peuvent compenser, en partie, la perte de ces fonds américains. La résilience marocaine, déjà éprouvée par des défis économiques et géopolitiques, pourrait être un atout dans cette nouvelle donne. Ne dit-on pas : «Que celui qui n’a qu’une seule porte, que Dieu la lui ferme au nez»?
Source : news.un.org - Le Figaro - Les Inspirations ÉCO