Pénuries de médicaments : Faut-il copier l'Europe ?
Pour lutter de manière efficace contre les ruptures de stock de médicaments, l'Europe a publié, mardi dernier, sa première liste de médicaments «critiques», pour lesquels il est impératif d'éviter toute interruption d'approvisionnement.
Élaborée par l'Agence européenne des médicaments (EMA) en étroite collaboration avec les États membres, cette liste fait partie des recommandations de Bruxelles pour faire face aux pénuries récurrentes de médicaments.
Selon un communiqué diffusé par l'Agence européenne, l'objectif de cette liste est de soutenir ses efforts en vue d'assurer la sécurité d'approvisionnement et de prévenir les pénuries de médicaments «critiques». Cette liste, qui vise également à renforcer la résilience de l'Union européenne (UE) et son autonomie stratégique face aux défis géopolitiques et aux imprévus, sera annuellement mise à jour.
Pour ce faire, six listes nationales de médicaments considérés comme essentiels ont été passées en revue par les experts. Ces derniers ont étudié 600 principes actifs et en ont retenu 200. Les États membres déterminent le statut de médicament «critique» en utilisant une méthodologie élaborée avec la contribution de groupes d'intervenants, tels que des organisations de patients, des professionnels de santé et des associations de l'industrie pharmaceutique.
Un médicament critique est identifié en combinant deux critères : la gravité de la maladie et la disponibilité d'alternatives thérapeutiques. D'autres critères doivent également être pris en considération pour qu’un médicament figure sur la liste, notamment la criticité dans au moins un tiers des pays de l'UE/Espace économique européen.
La liste choisie comporte des médicaments innovants et des médicaments génériques couvrant divers domaines thérapeutiques.
Le Réseau européen de réglementation des médicaments surveillera de près les 200 médicaments choisis et prendra des mesures chaque fois que nécessaire pour minimiser le risque de perturbations de l'approvisionnement. Si un risque de perturbation d'approvisionnement est identifié, la Commission et le Groupe de pilotage exécutif de l'EMA sur les pénuries et la sécurité des produits médicinaux peuvent proposer des mesures à mettre en œuvre, telles que la recommandation aux entreprises de diversifier leurs fournisseurs ou d'augmenter la production à l'échelle de l'UE, des incitations à l'investissement, le respect d'obligations réglementaires supplémentaires pour les entreprises, et l'établissement d'obligations contractuelles strictes en matière de livraison des médicaments commandés à travers les marchés publics.
Au Maroc, tout comme dans d'autres pays, les pénuries de médicaments sont également une réalité. Cependant, le Royaume ne dispose pas d'une définition légale des pénuries contrairement à l'Europe. La loi prévoit un stock de sécurité pour les établissements pharmaceutiques industriels «qui doit en quantité être égal au quart du total des ventes de leurs spécialités pharmaceutiques, au cours de l'année précédente».
En ce qui concerne les établissements pharmaceutiques grossistes répartiteurs, «ils doivent détenir un stock égal au douzième du total de leurs ventes au cours de l'année précédente, constitué d'au moins 80% de l'ensemble des spécialités agrées au Maroc». Ces stocks sont difficiles à maintenir.
On regrette également l'absence d'un système d'information efficient permettant d'identifier en temps opportun les médicaments en tension d'approvisionnement. Un tel système permettrait aux professionnels de santé d'anticiper les ruptures et d'éviter de prescrire ces médicaments à de nouveaux patients.
Face à cette situation, la question de savoir s'il est pertinent de suivre le modèle européen se pose. Maintenir un stock de sécurité sans distinction entre les médicaments sans alternatives thérapeutiques et les médicaments largement «génériques» pénalise les établissements pharmaceutiques et les patients. Il serait de ce fait judicieux de dresser une liste des médicaments essentiels et de la publier, afin d’accorder une attention particulière aux médicaments «critiques» et prendre les mesures qui s’imposent pour éviter toute rupture d'approvisionnement les concernant.
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