Rupture de stock : ce qui «ne devait» pas arriver arriva !
Les pénuries de médicaments sont devenues un problème alarmant, mettant en péril la santé et la vie de millions de personnes à travers le monde. Ce phénomène, en augmentation constante, y compris dans les pays les plus industrialisés, est une conséquence de plusieurs facteurs.
Ces pénuries peuvent être conjoncturelles et imprévisibles, à l’image des perturbations provoquées par la guerre en Ukraine, pays qui produit des composants nécessaires à l'emballage des médicaments, tels que l'aluminium et le verre et certains métaux nécessaires à la fabrication des formes injectables.
La forte demande de médicaments à travers le monde peut également expliquer ces pénuries. Des pays comme la Chine consomment de plus en plus de médicaments. Les unités de production tournent à flux tendu et tout incident, aussi minime soit-il, peut avoir des répercussions sur la production des médicaments.
La recherche constante de la rentabilité a poussé les laboratoires pharmaceutiques à délocaliser la plupart des étapes de fabrication. Certains laboratoires sont devenus de simples façonniers. 80% des besoins mondiaux en principes actifs sont produits en Chine et en Inde. Conséquence logique : la plupart des pays sont devenus dépendants de ces deux pays. Lorsque la Chine a fermé son espace aérien pendant la pandémie Covid-19, l'approvisionnement en produits de santé a connu de grandes perturbations et il en est de même quand l’Inde a stoppé, du jour au lendemain, l'exportation de paracétamol pour répondre aux besoins de ses populations.
À ces facteurs, il faut ajouter la concentration de la production de certains médicaments, comme c’est le cas du Bélatacept, une spécialité pharmaceutique antirejet qui n'est fabriquée que dans un seul site aux États-Unis. Ce produit est passé en peu de temps de la tension d'approvisionnement à la rupture de stock, privant ainsi les patients de ce médicament indispensable. D'autres médicaments sont également produits dans un seul site, comme l'Actilyse, la Rifapentine, etc.
La financiarisation des laboratoires a également un impact sur leurs stratégies. Leurs stratégies sont de plus en plus dictées par les fonds d'investissement américains et d'autres actionnaires dont le souci majeur est la rentabilité. Pour atteindre cet objectif, certains laboratoires investissent dans les «nichebusters», des médicaments développés pour traiter des maladies rares et vendus à prix d’or, à l'image de Sovaldi de Gilead ou de Zolgensma de Novartis. Ce dernier qui est destiné à traiter l'amyotrophie spinale, est vendu à deux millions d'euros l'injection.
Conséquence prévisible : les médicaments dits matures, dont les prix ne sont pas assez attractifs pour les producteurs, connaissent des tensions d'approvisionnement et des pénuries, ce qui n'est pas le cas des médicaments dits innovants et particulièrement rentables.
Les conséquences de ces pénuries sont préjudiciables pour les patients, particulièrement lorsqu’elles touchent les médicaments essentiels. Les hôpitaux et les professionnels de santé doivent faire face à des situations complexes, surtout lorsque le médicament en rupture de stock ne dispose pas d'alternatives thérapeutiques. Une prise en charge tardive ou inappropriée prive les patients de chances de guérison et peut représenter un lourd fardeau pour le patient et pour les organismes payeurs.
Aussi, il est temps de prendre des mesures concrètes pour résoudre ce problème. Les gouvernements, l'industrie pharmaceutique et les organismes de réglementation doivent travailler de concert pour garantir la disponibilité continue des médicaments essentiels. Cela passe par des incitations pour stimuler la production, des systèmes d’informations performants pour anticiper les pénuries et des initiatives pour rationaliser l’utilisation des médicaments et revoir les réglementations qui peuvent entraver la distribution.
La pénurie de médicaments est un problème complexe qui risque de s’aggraver si les États ne prennent pas les mesures qui s’imposent. La santé de nos citoyens est en jeu, et il est de notre devoir de ne ménager aucun effort pour leur garantir l'accès aux médicaments.
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