Pharmacie au Maroc : Rien ne se crée, rien ne se transforme, tout se perd !
Le Décret n° 2023-736 du 8 août 2023 qui étend les compétences d'administration de vaccins des infirmiers et des pharmaciens d'officine en France a été publié le 9 août 2023 au Journal officiel(1). Ce texte de loi précise les conditions de mise en œuvre de leur nouvelle compétence de prescription de vaccins. Il détermine également les conditions de mise en œuvre des nouvelles compétences de prescription et d'administration de vaccins pour les pharmacies à usage intérieur et les laboratoires de biologie médicale. Il précise enfin les conditions d'administration de vaccins par les étudiants de troisième cycle de pharmacie.
Pour pouvoir prescrire et administrer les vaccins aux personnes de onze ans et plus, le pharmacien doit suivre une formation de 17 h 30 comportant un module théorique obligatoire de 10 h 30. Les officinaux ayant suivi des formations relatives à la vaccination dans le cadre de leur cursus ou ceux ayant été formés à l’administration des vaccins contre la grippe sont exemptés du module pratique de 7 h.
Cette avancée est le fruit d’un processus qui a démarré dès 2017 par deux expériences pilotes de vaccination contre la grippe. Ces expériences qui ont été menées dans deux régions de France : Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes ont révélé que l’implication des pharmaciens dans la vaccination permet d’améliorer la couverture vaccinale contre la grippe chez les personnes à risque.
Cinq années après, le sérieux et l’engagement des pharmaciens et leurs instances ont fini par payer. Aujourd’hui, les officinaux peuvent prescrire et administrer les vaccins figurants sur calendrier vaccinal. En d’autres termes, les pharmaciens et leurs instances ont réussi à faire valoir l’intérêt du patient. Ce nouvel acquis est capital pour une profession qui doit absolument renforcer sa place dans le parcours de soins.
Certes, la pharmacie reste une PME qui doit être gérée avec un souci permanent de rentabilité, mais le pharmacien ne doit pas oublier qu’il est, avant tout, un professionnel de santé qui doit maintenir un niveau de compétences lui permettant de rester un acteur principal du système de santé.
Les Français ne sont pas les seuls à suivre cette voie. Les Canadiens ont, depuis longtemps, conféré des missions au pharmacien communautaire. Grâce à son expertise, ce dernier a permis de décharger le médecin de certaines tâches qu’il est incapable d’assurer en raison du nombre insuffisant de médecins au Canada.
On ne peut s’empêcher de nous poser la question «Qu’en est-il au Maroc ?»
Dans notre pays, si Lavoisier était encore parmi nous, il aurait dit à propos de la pharmacie : «Rien ne se crée, rien ne se transforme, tout se perd» !
En effet, depuis au moins trois décennies, la profession est condamnée à faire du surplace et ce ne sont pas les raisons qui manquent.
Tout d’abord, la profession est totalement désorganisée. Le Conseil de l’Ordre qui jouit de prérogatives étendues n’a pas renouvelé ses conseillers depuis 2017. La profession attend une régionalisation dont la mise en place risque de durer plusieurs années.
Ensuite, l’absence de dialogue entre les pharmaciens et leur tutelle hypothèque toute évolution de la profession. Il a fallu attendre la grève nationale du 13 avril 2023 pour que le ministère de la Santé daigne, enfin, recevoir les représentations syndicales de la profession.
Et enfin, les résistances de toutes parts et les lobbyings qui opèrent au grand jour empêchent toute évolution de la pratique officinale. Le manque d’implication et d’engagement d’un large pan de la profession constitue un facteur aggravant qui fait du pharmacien une proie à la portée du premier venu !
Pour conclure, on ose espérer une prise de conscience de tous les intervenants, pharmaciens compris, pour que la pharmacie marocaine soit remise sur les rails. Faute de quoi, elle sera incapable d’accompagner les grands chantiers initiés par le Souverain et contredire, par la même, la prémonition du ministre de l’Enseignement supérieur qui avait annoncé, le 18 juillet 2022, que «la pharmacie d’officine n’existerait plus dans 10 ans, maximum 15 ans !»
(1) Lien
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