Article N° 7601

LUPUS

Lupus : Une des premières causes de réduction de la mobilité physique et de mortalité chez les femmes jeunes au Maroc

Dr Khadija Mousseer - 15 mai 2023 09:32

L’Alliance des maladies rares au Maroc (AMRM) et l’Association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS), présidées toutes les deux par le Dr Khadija Moussayer*, se joignent au «World Lupus Day», organisé le 10 mai 2023 par la Fédération mondiale du lupus, pour sensibiliser aux aspects méconnus de cette maladie auto-immune rare qui frappe plus de 5 millions de personnes dans le monde, des femmes dans neuf cas sur 10, souvent jeunes. Potentiellement mortelle, elle est une des toutes premières causes de mortalité des femmes jeunes dans le monde et au Maroc. Plus étonnant encore, elle est assimilée à tort par beaucoup à une affection contagieuse (du type du sida), ce qui ne peut qu’isoler un peu plus les malades. Une enquête mondiale en 2020 a montré enfin qu’elle affecte profondément la mobilité et la capacité à mener des activités normales.

- Une maladie aux multiples signes

Le lupus est une maladie chronique aux manifestations très diverses d’où parfois son surnom de «maladie aux 1000 visages» : poussées de fièvre, perte de poids, fatigue, sentiment de mal-être, douleurs articulaires ou musculaires, lésions cutanées, troubles de la vision, état dépressif, symptômes psychiatriques … Sans oublier des rougeurs en « ailes de papillon » au visage.

- Une évolution imprévisible

Sa sévérité est variable selon les patients et chez un même individu selon les périodes. Elle peut rester inactive ou peu active pendant de longues périodes puis connaître des poussées attaquant de nombreuses parties du corps (articulations, peau, reins, cœur) et susceptibles de conduire à une hémorragie cérébrale ou pulmonaire, une insuffisance rénale…en particulier lors d’une grossesse. Cette imprévisibilité complique son diagnostic, souvent tardif. Un examen clinique spécialisé, accompagné d’un bilan biologique recherchant en particulier les auto-anticorps, permettrait pourtant de la confirmer précocement.

- De nombreuses jeunes femmes en meurent

Une analyse des certificats médicaux de décès, sur 15 ans aux États-Unis, a montré en 2018 que le lupus se classe au 10ème rang des causes du décès chez les 15-24 ans. Il est même répertorié au 5ème rang des 15-24 ans dans les populations les plus pauvres, les femmes noires et d’origine hispanique. On peut affirmer que ce dernier ratio s’applique aussi au Maroc où la pathologie atteint environ 20.000 femmes. Le lupus, la plus fréquente des maladies rares, constitue donc un problème majeur de santé publique dans notre pays. La situation est pire en Afrique noire, la région du monde la plus touchée par cette affection.

 

- Une maladie qu’on contrôle pourtant mieux

La prise en charge du lupus a connu de grands progrès ces dernières décennies : le taux de survie à 5 ans pour le lupus était en France inférieur à 50 % en 1955 et supérieur à 90 % maintenant. Ce sont habituellement les spécialistes en médecine interne qui traitent ce trouble comme de la majorité des maladies auto-immunes.

En l’absence de traitement curatif, la prise en charge repose sur des thérapies visant à prévenir les complications et à traiter les symptômes, principalement par l’emploi de l’hydroxychloroquine (plaquénine) et aussi, suivant les attaques, de cortisone, d’immunosuppresseurs et de traitements innovants, les biothérapies (qui n’ont qu’un seul défaut : leur coût élevé).

Il existe aussi d’autres formes de ce mal qui restent heureusement bénignes en général : «cutanée» en se limitant à la peau, médicamenteuse et réversible à l’arrêt de la molécule en cause….

- Un impact considérable sur la fonction physique et la qualité de vie

Dans une enquête mondiale menée auprès des malades dans plus de 70 pays en 2020 par la Fédération mondiale du lupus (WLF), près de 7 participants sur 10 ont répondu que le lupus entrave leur mobilité physique. La majorité des répondants au sondage ont ainsi indiqué qu’ils ne pouvaient pas accomplir sans difficultés leurs activités quotidiennes, y compris monter et descendre des escaliers (67%) et faire des tâches ménagères (69%) comme passer l’aspirateur. Une personne sur 10 a besoin d’une canne ou d’un autre appareil pour ses déplacements. Toutes les personnes atteintes de lupus semblent enfin éprouver des difficultés à se lever de leur lit. Cette enquête démontre bien les effets dévastateurs que le lupus peut causer à la vie de ceux qui en souffrent

 

En conclusion

Cette journée est aussi l’occasion de mieux sensibiliser les femmes aux maladies auto-immunes dont elles sont la cible principale et dont le lupus est une de ses formes les plus graves. Dans ces pathologies, le système immunitaire, qui protège normalement contre les microbes ou les substances étrangères à l'organisme, se dérègle et se retourne contre les propres cellules de l'organisme. Ces maladies touchent 10 % de la population mondiale et à plus de 75 % les femmes. Une femme sur 6 est ou sera atteinte au cours de sa vie par ces troubles très variés (Comme la maladie de Basedow – hyperthyroïdie-, la Sclérose en plaques, le diabète de type 1, la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite, le Gougerot-Sjögren …) !



* Dr MOUSSAYER KHADIJA  

Spécialiste en médecine interne et en gériatrie, présidente de l’Association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS), présidente de l’Alliance Maladies Rares au Maroc (AMRM)

 

Source : PMA