Article N° 7494

Plantes médicinales

Valorisation des plantes médicinales : de l’utilité d’une bonne stratégie

Abderrahim Derraji - 11 novembre 2022 17:47
  Le laboratoire de chimie analytique de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat a organisé, le 9 novembre 2022, une conférence sous le thème: «Importance d’une stratégie pour la valorisation des plantes médicinales au Maroc».
 
Cette conférence de bonne facture animée par Mohammed Hmamouchi, Professeur Invité à l’Université de Montréal et Ex directeur de l’Institut national des plantes médicinales et aromatiques (ANPMA), a été modérée par le Pr Anas Doukkali. Ce dernier a prononcé une allocution par laquelle il a rappelé que le Maroc compte environ 4 200 espèces de plantes, dont 800 espèces endémiques et 600 espèces classées comme médicinales.
 
L’ancien ministre de la Santé a également rappelé à l’assistance l’importance de développer la recherche dans le domaine des plantes aromatiques et médicinales (PAM), d’autant plus que la pandémie et le conflit russo-ukrainien ont mis à rude épreuve l’approvisionnement en médicaments à travers le monde.
 
Le Pr Doukkali a insisté sur l’importance d’adopter une stratégie visant à mettre à la disposition des patients des produits alliant efficacité et accessibilité. Cela ne peut se concrétiser que si cette stratégie est efficiente, cohérente tirant profit de l’interdisciplinarité et impliquant tous les intervenants.
 
Après cette introduction, le Pr Mohammed Hmamouchi a brossé un tableau de la situation de la recherche menée au Maroc afin de valoriser les PAM. Cette  recherche concerne, entre autres, les phytoproduits de santé et d’hygiène, de nutrition ainsi que les phytoproduits domestiques et agricoles.
 
Le marché mondial des PAM (plantes transformées) représentait 23.2 milliards de dollars en 2013 et 80 milliards de dollars en 2020. Ce chiffre devrait atteindre les 100 milliards de dollars en 2024. L’Europe et l’Amérique du Nord s’accaparent 70% de ce marché tandisque la zone méditerranéenne ne dépasse guère les 2%.
 
Ce qui caractérise la recherche dans ce domaine, c’est le décalage entre la masse de travaux menés sur les plantes et le nombre insignifiant de médicaments à base de plantes mis sur le marché. Pour étayer ses propos, le Pr  Hmamouchi a évoqué l’exemple du cannabis. Cette plante a fait l’objet de plus de 2400 publications et paradoxalement, seuls 4 médicaments ont obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM), dont deux sont synthétiques.
 
 
En ce qui concerne les échanges entre le Maroc et les autres pays. Le Royaume a exporté 250,4 millions de dirhams en 2020 en huiles essentielles et environ 575 millions de Dirhams en PAM séchées et caroubes. Quant aux importations marocaines, elles concernent essentiellement des condiments: poivre, gingembre, cumin, curcuma, cannelle, girofle, etc.

Le Pr Hmamouchi a ensuite passé en revue les points forts du Maroc dont les principaux sont la présence d’un écosystème offrant des conditions écologiques favorables, et la richesse de la flore qui est diversifiée avec un nombre important d’espèces endémiques.
Le savoir-faire ancestral, la présence de plusieurs institutions et centres de recherche travaillant sur les PAM ainsi qu’un réseau associatif, sont également des atouts considérables.
La situation géographique du Maroc et sa réglementation constituent des éléments favorisant les investissements étrangers dans le domaine des PAM.
 
Par contre, d’autres facteurs freinent la valorisation des PAM.
D’une part, la production est essentiellement dominée par des plantes sauvages avec un espace de culture particulièrement limité. La production est bien souvent traditionnelle et ne génère que peu de valeur ajoutée.
D’autre part, les canaux de distribution se caractérisent par leur désorganisation et par la multiplicité des intermédiaires.
À cela, s’ajoute l’absence d’une stratégie consensuelle de développement de la filière, le manque de synergies entre les chercheurs et les institutions, et l’interférence entre les différents acteurs.
 
L’Ex directeur de l’INPMA a aussi partagé avec l’assistance sa vision de la stratégie que le Maroc devrait adopter. D’après ce chercheur, celle-ci ne peut être déployée sans la mise en place d’un plan d’action stratégique en déterminant des axes stratégiques et les mécanismes garantissant une mise en œuvre optimale de cette stratégie.

Les grands axes de cette stratégie sont : la consolidation et le développement des connaissances spécifiques aux PAM marocaines, la valorisation de l’offre marocaine en PAM, l’organisation du secteur et sa promotion et la mise en place de mécanismes permettant d’assurer un développement durable de ce secteur.
 
Le Royaume ne peut,non plus, faire l’économie d’une stratégie permettant de développer la recherche et promouvoir l’innovation ce qui nécessite la mise en place de centres de recherche appliquée, des organismes d’appui technique et d’information spécialisée ainsi que des associations de professionnelles impliquant aussi bien des producteurs que des industriels.
 
Le Pr Hmamouchi explique le nombre anormalement bas des spécialités à base de médicaments par la variabilité de la composition des plantes qui est influencée par la génomique, la région de culture, le climat, etc.
 
Le Pr Hmamouchi a terminé sa présentation par des exemples de recherches menées dans le domaine des PAM, notamment sur le cannabis plante qui a  actuellement le vent en poupe.
 
Cette conférence a été suivie d’un débat très intéressant qui a mis en avant l’intérêt que ce sujet suscite auprès des nombreux chercheurs, étudiants et professionnels de santé qui ont pris part à cette rencontre.  

Source : PMA