Article N° 7443

Compléments alimentaires

Compléments alimentaires : et si on pensait d’abord aux usagers !

Abderrahim Derraji - 05 septembre 2022 22:15

L’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM - France) a procédé au mois d’août dernier à la suspension de commercialisation d’un complément alimentaire (CA) vendu en ligne. Le produit retiré du marché et commercialisé sous le nom Bodygoal® contient de la sibutramine, molécule qui a été à l’origine d'effets indésirables, notamment des crampes, nausées et vomissements, diarrhée, fièvre, crises d’angoisse, vertiges et hallucinations.

Pour rappel, cette molécule a été commercialisée en France sous la désignation commerciale Sibutral®. Les médicaments qui en contenaient ont tous été retirés du marché depuis 2010 en raison du nombre important d’effets indésirables en particulier cardiovasculaires qui ont été enregistrés.

L’évaluation du rapport bénéfice/risque de la sibutramine réalisé par l’Agence européenne des médicaments l’avait conduit à suspendre son autorisation de mise sur le marché (AMM).

L’ANSM a diffusé au mois d’août une note d’information par laquelle elle a rappelé que «seul le circuit des pharmacies d’officine et de leurs sites internet autorisés pour la vente en ligne de médicaments, régulièrement contrôlés par les autorités sanitaires, apportent des garanties sur la qualité, l’efficacité et la sécurité des médicaments achetés. Il est ainsi vivement déconseillé d’acheter des médicaments en dehors des pharmacies ou de leurs sites internet autorisés pour la vente en ligne de médicaments.»

De son côté, l’Académie nationale de médecine (France) a tiré la sonnette d’alarme en diffusant, le 28 juillet 2022, un communiqué(1) par lequel elle a fait une mise au point au sujet des compléments alimentaires (CA) et des conditions de leur utilisation.

Dans son écrit, elle a commencé par rappeler que «Les compléments alimentaires sont les produits destinés à être ingérés en complément de l'alimentation courante, afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers.»(2)

Elle a, ensuite, indiqué que les «CA font l’objet de plusieurs confusions. Ils contiennent de nombreux ingrédients, y compris des plantes, pour lesquelles la dénomination de CA est inadaptée. Ils sont souvent confondus avec les compléments nutritionnels oraux (CNO), mélanges nutritifs hyper-énergétiques ou hyperprotidiques auxquels il peut être nécessaire de recourir en cas de dénutrition. Les CNO relèvent d’une prescription médicale», comme elle a mis l’accent sur le fait que la présentation sous forme de gélules, de comprimés… des CA est souvent à l’origine de confusions avec les médicaments, d’autant plus que la frontière est parfois floue entre CA et médicament : selon la dose, une substance peut être un CA ou un médicament.

Elle a pour finir indiqué que «Les CA peuvent avoir des effets indésirables liés au surdosage, au mésusage, ou à l’association avec des médicaments ou de plusieurs CA entre eux.» Et en ce qui concerne les CA à base de plantes, l'Académie a indiqué que des risques liés à la vente sur Internet peuvent s'ajouter : préparations de mauvaise qualité (métaux lourds, microbes, mycotoxines, pesticides), confusion entre plantes très voisines (certaines espèces de ginseng sont dangereuses), présence de substances illicites et dangereuses introduites délibérément dans un produit à l’insu du consommateur, pour lui donner une impression d’efficacité (produits pour sportifs ou pour maigrir).»

Au Maroc, le nombre de compléments alimentaires commercialisés a augmenté ces dernières années d’une manière exponentielle, et la plupart des usagers de ces produits ne font pas non plus la différence entre un CA et un médicament à AMM. 

Ces produits sont souvent prescrits, mais pas forcément achetés en pharmacie. Leur vente en dehors des officines et en ligne hypothèque leur traçabilité.

Les conditions de stockage, de vente et de promotion connaissent également des dérives pouvant présenter un danger pour leurs usagers.

Aussi, et pour protéger la santé de nos concitoyens, il est primordial de se pencher d’urgence sur le dossier des CA en impliquant tous les intervenants et particulièrement les professionnels de santé en se fixant comme objectif la mise en place d’un cadre juridique efficient qui sécurise l'utilisation des CA. L’ère de la vente des produits de santé par n’importe qui et n’importe où semble révolue…

Source : PharmaNews