Article N° 7353

PARLEMENT

La régionalisation suit son cours, la baisse des revenus du pharmacien aussi !

Abderrahim Derraji - 24 avril 2022 16:42

Durant la semaine dernière, l’actualité de la profession pharmaceutique a été dominée par deux événements importants. D’une part, la séance de travail consacrée à l’étude du projet de Loi 98-18 relative à l’Ordre national des pharmaciens qui s’est tenue au Parlement et, d’autre part, la mise en ligne d’un nième Bulletin officiel annonçant une série de baisses de prix des médicaments.

Pour ce qui est du projet de Loi 98-18, les représentations syndicales et ordinales de la profession, ainsi que plusieurs personnes ressources ont participé à une séance de travail organisée par les partis de la majorité. Cette initiative a permis aux députés de cerner les attentes des différentes composantes de la profession concernant ce projet de loi qui prévoit une régionalisation étendue des Conseils de l’Ordre.


La majorité des pharmaciens s’est focalisée sur trois points essentiels :
Tout d’abord, la tutelle sous toutes ses formes est à proscrire. À l’image des Conseils de l’Ordre des autres professions organisées, l’Ordre national des pharmaciens doit prendre ses décisions en toute indépendance. La commission permanente que prévoit ledit projet est, en quelque sorte, une fausse bonne idée !

Ensuite, les Conseils régionaux nécessitent une autonomie financière. Les cotisations des pharmaciens doivent leur être directement versées sans passer par l’Ordre national des pharmaciens.

Et pour finir, les pharmaciens ont exclu l’élection du président du Conseil national de l’Ordre par suffrage direct.

Les présidents des groupes parlementaires de la majorité ont pris acte des propositions formulées par les pharmaciens, ce qui va, sans nul doute, donner un coup d'accélérateur à ce projet qui va tout de même demander au moins une année ou deux, voire plus.

Pendant cette période, la léthargie que connaissent les instances ordinales continuera à compromettre la régulation de la profession, son évolution et une synergie avec les syndicats devenues aujourd’hui nécessaires pour régler les différentes problématiques de la profession.

En effet, depuis la mise en application du Décret n° 2-13-852 du 18 décembre 2013 relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés, qui aurait dû en principe être accompagné de mesures de compensation, la situation économique de l’officine ne cesse de se dégrader.

Le dernier exemple en date est le Bulletin officiel 47083 publié le 18 avril 2022. Celui-ci comporte pas moins de 92 baisses de prix de vente de médicament, deux augmentations de prix pour éviter la disparition de deux spécialités pharmaceutiques et 7 nouvelles Autorisations de mise sur le marché (AMM).

Comme le Décret n° 2-13-852 stipule qu’aucun générique ne peut avoir un prix supérieur à celui du princeps, chaque baisse de prix de ce dernier est automatiquement suivie d'une diminution des prix de tous ses génériques. On assiste, de ce fait, à un alignement des prix des génériques avec celui du princeps, ce qui constitue une vraie aberration ! Et elle n’est pas la seule. : le défaut de substitution contraint les pharmaciens à détenir en stock tous les génériques, ce qui est impossible, sans parler des forfaits appliqués aux médicaments onéreux (T3 et T4) qui ont été très mal négociés par les «représentants» des pharmaciens qui n’avaient pas fait d’études d’impact dignes de ce nom.

Cette situation au demeurant inquiétante n’a pas empêché les membres de la Société marocaine de valorisation de l’acte officinale (SMVAO) de prévoir, le mercredi dernier à Rabat, un atelier de sensibilisation et d’implication des pharmaciens dans le self-care en matière de santé sexuelle et reproductive (SSR). Cet atelier, programmé par l’Organisation panafricaine de lutte contre le Sida (OPALS) en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour la population au Maroc (UNFPA) et le ministère de la Santé et de la protection sociale, a permis de poser les premiers jalons d'une expérience pilote qui prévoit d'impliquer les pharmaciens dans le projet d’introduction des contraceptifs injectables sous-cutanés (DMPA-SC) au Maroc.

Cette initiative, qui contribuera, sans nul doute, à la valorisation du rôle du pharmacien, mettra en exergue sa capacité à mener à bien les nouvelles missions qui font déjà partie du quotidien des pharmaciens des pays voisins. Malheureusement, ces missions essentielles, qui rendent de loyaux services aux patients, trouvent beaucoup de peine à se frayer un chemin sous nos cieux.

In fine, il faut certes continuer à œuvrer pour que le projet de régionalisation puisse se concrétiser le plus rapidement possible, mais en attendant sa publication, on ne peut pas rester les bras croisés ! Les Conseils doivent appeler à des élections pour qu'ils se conforment à la législation en vigueur et surtout pour qu'ils aient la légitimité nécessaire pour continuer à parler au nom des pharmaciens.  

Source : PharmaNews