Article N° 7108
LOI 98-18
Loi 98-18 : Les pharmaciens rejettent la mise sous tutelle !
Abderrahim DERRAJI - 07 juin 2021 07:56Sur invitation du Parti de la justice et du développement (PJD), les représentants des pharmaciens et de plusieurs partis politiques ainsi que des pharmaciens invités se sont retrouvés, le 3 juin 2021, au Parlement afin de débattre du contenu du projet de Loi 98-18 et d’élaborer des propositions d’amendements dudit projet.
Ce texte, qui est actuellement entre les mains de la Commission des secteurs sociaux du Parlement, sonnera le glas au Dahir portant Loi 1-75-453 du 17 décembre 1976 dont l’obsolescence a été précipitée par son inadéquation avec l’évolution que connaît le secteur pharmaceutique. Ce texte prévoit une régionalisation élargie du Conseil de l’Ordre et devrait contribuer à optimiser l’apport des instances ordinales, notamment dans la régulation du secteur.
La réunion du 3 juin s’est déroulée en l’absence du ministre de la Santé qui est, une fois de plus, passé à côté d’une occasion pour mettre fin à une situation de non-dialogue avec les pharmaciens d’officine qui prévaut depuis le départ d’Anas Doukkali du ministère de la Santé. Il est à rappeler que ce dernier avait mis en place une commission composée de tous les représentants des instances ordinales et syndicales que compte la profession. Cette commission avait tenu une batterie de réunions à la Direction du médicament et de la pharmacie (DMP) afin d’élaborer des recommandations à même d’assainir le circuit de distribution des médicaments et des produits de santé et de valoriser l’acte pharmaceutique et le rôle du pharmacien. Une feuille de route a même été présentée, le 19 juin 2019, par le Pr Jamal Taoufik aux représentants des pharmaciens en présence du ministre de la Santé de l'époque Anas Doukkali.
Hélas, depuis le départ de ce dernier, c’est le statu quo, et ce n’est pas prêt de changer puisque l’actuel ministre de la Santé exige la tenue d’élections ordinales pour qu’il puisse avoir un seul et unique interlocuteur légitime et représentatif de tout le secteur.
Certes, on ne peut pas nier que notre profession est particulièrement alambiquée. Mais avec un peu de volonté, la tutelle aurait pu utiliser les moyens légaux dont elle dispose pour débloquer la situation, et ce, malgré la crise sanitaire actuelle. C’est sans doute ce qui explique le mécontentement des pharmaciens qui ont reproché à Khalid Aït Taleb, lors de la rencontre du 3 juin 2021, l’absence de concertation, surtout depuis qu’ils ont découvert que la version qui est actuellement étudiée par la Commission des secteurs sociaux diffère de la version initiale sur laquelle ils se seraient précédemment prononcés.
Lors de cette même réunion, tous les représentants des pharmaciens ont unanimement contesté la mise en place d’une commission permanente à qui seront confiées toutes les problématiques de la profession et des instances ordinales. Cette nouvelle entité, qui sera présidée par un pharmacien-enseignant désigné par l’administration, comprend 3 membres issus de l’administration et 5 pharmaciens désignés par le président du Conseil national de l’Ordre : 2 pharmaciens d’officine, un biologiste, un pharmacien industriel et un pharmacien issu de la répartition. Les pharmaciens rejettent en bloc cette commission permanente et la présidence d’un enseignant qu’ils considèrent comme une mise sous tutelle déguisée de la profession. D'ailleurs, une telle trouvaille n’existe dans aucune autre profession dotée d’un Conseil de l’Ordre !
La réunion au Parlement s’est déroulée dans de bonnes conditions. Les représentants des pharmaciens ont globalement formulé les mêmes doléances à l’exception des dispositions relatives au mode d'élection du président. La majorité des officinaux présents suggère que le président soit élu par les conseillers, tandis que les pharmaciens de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) ont proposé une élection du président directement par la base. Cette proposition devrait, selon ses initiateurs, renforcer la légitimité du président ! Or, rien n’est moins sûr, car ce dont souffre le Conseil de l’Ordre actuellement, ce sont les divisions entre le Conseil national et les Conseils régionaux et les interférences avec d’autres entités. Si le président n’est pas élu par ses conseillers, on risque à chaque fois d’avoir le clan du président et celui des conseillers, et chacun d'eux va revendiquer plus de légitimité que l'autre !
Aujourd’hui, nous avons plusieurs raisons d’être optimistes, d’une part, les pharmaciens impliqués politiquement se démènent pour que ce texte soit amendé et promulgué rapidement, et ce, dans l’intérêt de la profession et du patient, et, d'autre part, les représentants des pharmaciens ont globalement les mêmes attentes. Par contre, on déplore que l’étude de ce projet par la Commission des secteurs sociaux n’ait démarré que tardivement et à peine à quelques mois des élections législatives, locales et régionales.
In fine, si les pharmaciens ressortissants des conseils ne savent plus où donner de la tête, ce n’est pas le cas de leurs représentants qui ne peuvent plus continuer à ignorer leur responsabilité vis-à-vis de la situation que traverse l’Ordre actuellement. Il est inacceptable de prendre le risque de voir le ministre de la Santé procéder à la dissolution des Conseils régionaux et à la nomination d’une commission pour organiser les élections, sachant que tous les représentants réunis le 3 juin rejettent tout ce qui s’apparente de près ou de loin à une nomination ou à toute forme de mise sous tutelle ou d’aliénation !
Source : PHARMANEWS