Article N° 6926
YOUTUBEURS
Réseaux sociaux : des «capsules» à proscrire !
Abderrahim DERRAJI - 06 décembre 2020 20:33Selon le site blogdumoderateur.com(1), deux milliards d’internautes utilisent chaque mois la plateforme YouTube avec plus de 80.000 vidéos vues en une seconde, et plus d’un milliard d’heures de vidéos sont visionnées sur YouTube par les internautes à travers le monde par jour. Et toujours d’après la même source, il faudrait 82 ans pour visionner le nombre de vidéos mises en ligne sur cette plateforme en une heure.
Au Maroc, le nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux a atteint 17 millions en 2019, soit un taux de pénétration de 47%, contre 17% en moyenne sur le continent, selon le «Mobile Report 2019»(2). Quant au taux de visionnage sur YouTube au Maroc, il a augmenté de 45% durant la même année.
En effectuant une recherche sur YouTube ou en surfant sur les réseaux sociaux, ces internautes nationaux peuvent consulter un nombre quasi illimité de vidéos. Tous les sujets y passent, y compris la santé et le bien-être. Ces capsules enregistrées le plus souvent avec un simple Smartphone foisonnent d’informations approximatives ou inexactes. Le plus grave, certaines de ces vidéos conseillent aux internautes le recours aux médicaments qu’ils présentent parfois comme des remèdes miracles. Cette forme de publicité illicite peut malheureusement avoir de lourdes conséquences sur la santé les usagers du médicament.
En effet, les «YouTubeurs» préconisent l'utilisation d'anti-inflammatoires alors qu’ils ne doivent être délivrés que sur ordonnance. Et que dire des spécialités à base de sildénafil qui sont conseillées avec une légèreté déconcertante ? Faut-il le rappeler, cet inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5 indiqué en cas de dysfonctionnement érectile a d’importantes contre-indications. Cette molécule peut, entre autres, potentialiser l'effet hypotenseur des dérivés nitrés. C'est ce qui explique que ce médicament appartient au tableau A (Liste I).
Au moment où nous mettons sous presse cet éditorial, des milliers de Marocains sont en train de visionner des chaînes diffusant des messages dangereux pour leur santé. C’est sans doute ce qui a poussé le Conseil de l’Ordre des pharmaciens d’officine du Sud(3) (Référence) à adresser une lettre d’information dans ce sens à ses ressortissants. Cette lettre, qui a été largement partagée à travers les réseaux sociaux, rappelle les dispositions de la loi 17-04 portant Code du médicament et de la pharmacie relatives à la publicité des médicaments.
L’article 41 de cette loi précise que la publicité auprès du public pour un médicament n'est admise qu'à la condition que ce médicament ne soit pas soumis à prescription médicale, qu'il ne soit pas remboursable par les régimes d'assurance-maladie ou que l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ne comporte pas de restrictions en matière de publicité auprès du public en raison d'un risque possible pour la santé publique. Bien évidemment, cet article s’adresse à l’établissement pharmaceutique détenteur de l’autorisation de mise sur le marché du médicament candidat à une publicité. Quant à l’article 42 de cette même loi, il subordonne cette publicité à l'obtention d'un visa délivré à cet effet.
Or, ces personnes, qui diffusent des capsules vantant le mérite de tel ou tel médicament en faisant fi des lois en vigueur, ne se rendent pas compte que n’importe quel internaute peut télécharger leur vidéo et les poursuivre en justice pour mise en danger d’autrui et pour publicité illégale des médicaments.
Aussi, l’administration ne peut pas rester dans l’expectative, il est temps de mettre en place une «web-vigilance» dont le fonctionnement devrait être inspiré du système de pharmacovigilance. En pratique, les professionnels de santé, les pharmaciens responsables des laboratoires et le public pourraient notifier les vidéos inappropriées à un organisme chargé de traiter ces réclamations. Cet organisme peut, dans un premier temps, exiger de YouTube ou des réseaux sociaux de retirer d’urgence les vidéos incriminées en attendant d’étudier le cas en question et prendre les mesures qui s’imposent.
Source :
1-https://www.blogdumoderateur.com
2-https://www.leconomiste.com/flash-infos/reseaux-sociaux-17-millions-d-utilisateurs-au-maroc
3- https://pharmacie.ma/uploads/pdfs/SM-YT.pdf
Source : PHARMANEWS