Article N° 6626

E-COMMERCE

Vente en ligne des médicaments en France : Une loi qui inquiète les pharmaciens !

Abderrahim DERRAJI - 10 février 2020 08:54

Depuis que le projet de loi ASAP, «Accélération et simplification de l'action publique», a été présenté mercredi dernier au Conseil des ministres, les pharmaciens d’officine français ne décolèrent pas. Ces derniers redoutent que l’assouplissement des conditions de vente en ligne des médicaments que ce texte prévoit contribue à l’ubérisation de la pharmacie.

En effet, ce projet porté par Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des comptes publics, Gérald Darmanin, facilite, dans son article 34, les conditions d'ouverture des plateformes de vente en ligne de médicaments sans ordonnance. Selon Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), le stockage de ces médicaments en dehors des officines ouvre la voie à l'ubérisation et la marchandisation de la vente des médicaments.

Les choses semblent donc se compliquer pour les pharmaciens d’officine de l’Hexagone, d’autant plus que l’autorité de la concurrence s’est prononcée, l’année dernière, en faveur de la vente des médicaments en grandes surfaces, sans compter que le géant du e-commerce Amazone a lancé sa nouvelle marque Amazon Pharmacy.

Carine Wolf-Thal, présidente de l’Ordre des pharmaciens, a demandé le retrait pur et simple de ce texte qui n'apporte, selon elle, aucune garantie de sécurité, notamment en ce qui concerne les données personnelles. La présidente de l’Ordre s’interroge également au sujet du statut des pharmaciens travaillant pour le compte de ces plateformes de vente en ligne. Seront-ils rattachés à une officine physique ou pas ?

Les acteurs de la grande distribution et du commerce en ligne sont particulièrement intéressés par le marché du médicament. Bien évidemment, dans un premier temps, ils se contenteront des médicaments en accès direct, sans prescription médicale, qui représentent, à eux seuls, pas moins de 2 milliards d'euros de chiffre d’affaires.

Or, les médicaments à prescription facultative en accès libre ne sont pas des produits dénués de toxicité. À titre d’exemple, le paracétamol et certains anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène et aspirine), qui figurent parmi les médicaments les plus vendus, peuvent être à l’origine d’effets indésirables pouvant être graves si leurs conditions d’utilisation ne sont pas respectées. D’ailleurs, depuis le 15 janvier  2020, les pharmaciens sont tenus de ne plus les laisser en accès libre. Ils ont l’obligation de les placer derrière leur comptoir.

Le projet de loi décriée par toute la profession est en porte à faux avec les déclarations du ministre des Solidarités et de la santé qui vont toutes dans le sens du renforcement du rôle du pharmacien dans la prise en charge du patient.

Une fois de plus, les pharmaciens auront à défendre la pérennité de leur profession. Faut-il le rappeler, en 2014, lorsque le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, avait déjà tenté de s’attaquer au monopole des pharmaciens, ces derniers n’avaient eu qu’à baisser le rideau durant une journée pour lui faire changer d’avis.

Au Maroc, bien que le statut du médicament-conseil soit toujours dans les tiroirs du ministère de la Santé et bien qu’aucun texte concernant la vente en ligne des médicaments ne soit à l’ordre du jour, les pharmaciens doivent absolument rester vigilants. Malheureusement, le non-respect du monopole du pharmacien et du circuit de distribution des médicaments et les luttes intestines empêchent la profession de se projeter dans l’avenir et préparer la pharmacie et le pharmacien de demain. Autrement dit, tant que la profession a le «nez dans le guidon», elle ne pourra pas anticiper les mutations que connaîtra le secteur de la distribution du médicament, secteur où le danger peut surgir à tout moment et surtout de là où on l’attendent le moins !

Source : PHARMANEWS