Article N° 6618

ACCESSIBILITÉ AUX SOINS

Double peine : Maladie et inaccessibilité aux soins !

Abderrahim DERRAJI - 03 février 2020 09:01

La revue «Prescrire» a annoncé, le 30 janvier 2020, son Palmarès annuel des médicaments. Trois spécialités pharmaceutiques sont inscrites au «Tableau d’honneur» du fait qu’elles «apportent un progrès net pour certains patients par rapport aux moyens thérapeutiques déjà disponibles, avec certaines limites». Il s’agit d’Hemlibra® (émicizumab), Kymriah® (tisagenlecleucel) et Yescarta® (axicabtagène ciloleucel). Trois autres médicaments sont «cités au Palmarès». Ces derniers «contribuent à améliorer, plus modestement, les moyens de prise en charge des patients, dans certaines situations».

Quant à la «Pilule d’or», elle n’a été attribuée cette année à aucun médicament. Avec un peu de chance, elle le sera dans les années à venir, d’autant plus qu’on va assister, d’ici 2025, à une augmentation exponentielle du nombre de bio-médicaments. Les mises sur le marché à venir, vont, sans nul doute, s’accompagner d’une augmentation du coût des dépenses des caisses d’assurance-maladie.

Le premier médicament dont le prix avait fait couler beaucoup d’encre est Sovaldi® (sofosbuvir), produit mis sur le marché par l’américain Gilead qui promettait, pour la première fois, l’élimination définitive du virus de l’hépatite C chez les malades.

La mise sur le marché de ce nouveau traitement développé initialement par Pharmasset a donné de l’espoir aux patients, qui ne disposaient, jusque-là, que de traitements lourds et pas aussi efficaces que le sofosbuvir. Malheureusement, la joie des patients a duré le temps que Gilead annonce le prix du Sovaldi®.

Pour la première fois, la France a été obligée de déroger à l’égalité à l’accès aux soins en n’autorisant que le traitement des patients atteints des fibroses les plus graves. L’Hexagone n’a mis ce médicament à la disposition de tous les malades qu’à partir 2016.

D’autres traitements pouvant augmenter d’une manière spectaculaire la durée de vie des patients vont arriver bientôt sur le marché. Dans bien des cas, ces médicaments vont transformer le cancer en une maladie chronique nécessitant un traitement à vie. Le coût annuel engendré par ces traitements va presque nous faire «regretter» le sofosbuvir qui permet de guérir définitivement le patient après 12 semaines de traitement.

Parmi ces nouveaux traitements, Opdivo® qui a fait l’objet d’âpres négociations entre Bristol-Myers Squibb et le CEPS (Comité économique des produits de santé – France). Ces négociations ont abouti à un coût de prise en charge annuelle de 60.000 à 70.000 euros par patient. Sachant qu’environ 8.000 malades souffrant de cancers métastatiques en France sont éligibles à ce traitement, leur prise en charge pourrait coûter 520 millions d’euros par an pour l’assurance-maladie. D’autres traitements coûteux vont arriver sur le marché comme Keytruda®, un médicament développé par Merck pour le traitement du cancer de la peau. Il va donc falloir trouver des milliards d’euros pour payer la note de ces innovations pharmaceutiques.

Au Maroc, on peine à garantir l’accès aux médicaments «non innovants» en raison du taux de couverture des patients qui avoisine les 50% avec une consommation annuelle en médicaments qui dépasse à peine les 400 DH. En d’autres termes, ce n’est pas demain que nos malades vont pouvoir accéder à ces bio-médicaments onéreux, surtout que la CNOPS commence déjà à tirer la langue, et à ce rythme la CNSS risque de la suivre.

In fine, qu’on le veuille ou pas, on va devoir accepter l’injustice de ne pas voir nos malades accéder à certaines thérapies. Seuls les habitants de certains pays, et pas tous, auront accès à certains médicaments innovants. En attendant, essayons de mieux gérer nos ressources pour au moins rendre les autres médicaments accessibles à nos malades !

 

Source : https://www.capital.fr - https://www.prescrire.org