Article N° 6259

SGG

Les sanctions de la discorde

Mohamed MEIOUET, Docteur en pharmacie - 04 février 2019 11:47

Chaque semaine qui passe nous réserve son lot d’actualités. La dernière en date a été marquée par le sit-in organisé par les pharmaciens de la wilaya du Grand Casablanca, soutenus par des confrères qui ont fait le déplacement depuis plusieurs villes du Royaume. Le motif de cette action revendicative, qui a eu lieu devant le secrétariat général du gouvernement (SGG), étant de faire entendre leur ras-le-bol contre les dérives enregistrées par le non-respect des horaires de travail par certains confrères, portant ainsi de lourds préjudices aux pharmaciens voisins. De tels manquements à la législation et à la déontologie pharmaceutique sont susceptibles de sanctions disciplinaires par l’Ordre des pharmaciens, tel a été le cas, sauf que ces dernières semblent rester lettres mortes auprès du SGG.

La fonction disciplinaire de l’Ordre des pharmaciens reste incontestablement sa véritable raison d’être et sa vocation première. Il incombe à cette instance, en premier lieu, de faire régner l’ordre au sein de la profession. Il dispose à cet effet d’un véritable pouvoir sanctionnateur qui trouve son fondement dans le cadre d’un droit disciplinaire matériel, correspondant à un catalogue des devoirs et des interdits, à des règles de procédures fondées sur le principe du contradictoire et de la garantie de la défense, et surtout sur le principe du double degré de juridiction avec la possibilité d’un contrôle juridictionnel sur les décisions disciplinaires.

Si le législateur, à travers le Dahir du 17 décembre 1976, a doté l’instance ordinale de ce pouvoir, il ne lui a, pourtant, réservé que la seule possibilité d’infliger les sanctions les moins lourdes, telles que l’avertissement en chambre de conseil ou le blâme. Les sanctions les plus lourdes comme la suspension ou le retrait de l’autorisation d’exercer, quant à elles, ne peuvent faire l’objet que d’une proposition au SGG, et c’est à lui que revient le droit de retenir la sanction ou bien de l’écarter chaque fois qu’il lui apparaît que des motifs graves s’opposent à ce que la proposition de la peine de suspension ou de la radiation du tableau soit retenue, s’entourant ainsi de toutes les précautions contre d’éventuels vices pouvant entacher la légalité de la sanction. De plus, cette approche trouve son fondement dans le respect du parallélisme des formes et des pouvoirs, dès lors que seul le secrétaire général du gouvernement était habilité à délivrer les autorisations d’exercer et à les retirer conformément aux dispositions législatives et réglementaires applicables, ce qui n’est plus le cas depuis l’entrée en vigueur de la loi 17-04 portant Code du médicament et de la pharmacie et l’attribution de la compétence d’autorisation à l’exercice au profit du Conseil national de l’Ordre.

Aujourd’hui, le point de discorde semble tourner autour du retard pris par l’administration pour l’application des sanctions disciplinaires pour lesquelles le doute subsiste quant aux fondements des motifs et au respect de la procédure.

Dans l’attente de la refonte de la loi relative à l’Ordre des pharmaciens en élargissant les pouvoirs du Conseil faisant de la suspension et du retrait de l’autorisation d’exercer une sanction disciplinaire directement prononcée par les conseils, un tel désaccord peut être dépassé par l’application des sanctions en suspens qui, dans l’immédiat, ne risquent pas de compromettre la situation juridique des pharmaciens concernés, dès lors qu’ils disposent légalement d’une garantie par le recours devant le juge de l’excès de pouvoir qui peut statuer selon l’urgence et le sérieux des motifs pour le sursis à l’exécution de la sanction en attendant de trancher sur le fond, en passant au peigne fin l’ensemble de la procédure, y compris l’adéquation de la sanction par rapport à la faute.  

Source : PharmaNEWS 476