Antimicrobiens en péril : Une situation exceptionnelle appelle des mesures exceptionnelles !
Lors de la réunion de haut niveau sur la résistance aux antimicrobiens (RAM) qui s’est tenue lors de la 79e session de l’Assemblée générale des Nations unies, les dirigeants mondiaux ont approuvé une déclaration politique(1) s'engageant à atteindre un ensemble clairement défini d'objectifs et de mesures. Parmi ces objectifs figure la réduction de 10% du nombre de décès humains, estimés à 4,95 millions par an, associés à la RAM d’ici 2030.
Ces objectifs ne peuvent être atteints sans repenser complètement l’économie des antimicrobiens. En effet, leur modèle économique doit être remis en question face aux défis croissants posés par la RAM. Les antimicrobiens connaissent un déclin de l'innovation, alors même que les résistances ne cessent d'augmenter. Les experts et les organismes de santé publique alertent depuis plusieurs années sur le fait que les modèles économiques actuels ne sont pas adaptés à ce marché crucial.
Le développement des antimicrobiens fait face à plusieurs obstacles. D’abord, les coûts de Recherche & Développement (R&D) sont particulièrement élevés, tandis que le retour sur investissement reste faible. Contrairement à d'autres médicaments, les antimicrobiens sont utilisés sur des périodes courtes et souvent en dernier recours, afin de limiter les résistances. Cela se traduit par des volumes de vente réduits, entraînant une faible rentabilité pour les entreprises pharmaceutiques. De ce fait, certains laboratoires préfèrent se concentrer sur des médicaments plus rentables, tels que ceux destinés aux maladies chroniques, qui garantissent des ventes à long terme.
Cette situation constitue un risque majeur pour la santé publique. Le phénomène de RAM ne cesse de s'aggraver, rendant certains traitements actuels inefficaces. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), si aucune mesure n'est prise, la résistance antimicrobienne pourrait causer jusqu'à 10 millions de décès par an d'ici 2050. Face à cette menace, il est urgent de chercher des solutions incitant les laboratoires à investir dans la production de nouveaux antibiotiques. Plusieurs solutions peuvent être envisagées pour stimuler l’innovation. L’une d’elles consiste à prévoir des incitations financières pour les laboratoires, telles que des subventions ou des partenariats public-privé, afin de réduire les risques financiers liés au développement de nouveaux antimicrobiens. Par ailleurs, des initiatives comme le modèle de «pull incentives» sont en discussion. Ce modèle propose des récompenses financières aux entreprises qui réussissent à développer des antimicrobiens innovants, indépendamment des ventes réelles, afin de dissocier la rentabilité immédiate des médicaments de leur utilité à long terme.
Une autre piste est la mise en place de mécanismes garantissant un marché minimal pour les nouvelles molécules. Cette approche vise à sécuriser la viabilité économique de la recherche sur les antimicrobiens, tout en limitant les risques financiers pour les entreprises.
Enfin, la coopération internationale est essentielle pour contrer la résistance aux antimicrobiens. Des efforts conjoints entre les pays développés et en développement sont nécessaires pour s'assurer que les solutions mises en œuvre soient globales et ne créent pas de disparités dans l'accès aux traitements. Le défi est de taille, mais des réformes économiques adaptées à ce secteur critique peuvent inverser la tendance et garantir un avenir où les antimicrobiens restent des outils efficaces pour sauver des vies.
Pour conclure, il est essentiel d'instaurer des mécanismes facilitant l'introduction de nouveaux antimicrobiens sur le marché. Cependant, ces efforts resteront vains si des mesures ne sont pas prises pour éviter que les enjeux économiques ne l'emportent sur l'intérêt général, qui doit rester la priorité.
(1) Déclaration politique de la réunion de haut niveau sur la résistance aux antimicrobiens : lien
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