Article N° 8169

Dépression sévère - Stimulation ultrasonore

Dépression sévère : la stimulation ultrasonore ouvre de nouveaux horizons

Abderrahim Derraji - 25 août 2025 11:37
Face à la dépression pharmacorésistante, qui échappe aux traitements antidépresseurs classiques, la neuromodulation représente une voie thérapeutique prometteuse. Les techniques non invasives déjà utilisées, comme la stimulation magnétique transcrânienne (rTMS) et la stimulation à courant direct (tDCS), sont limitées à l’action sur les zones corticales superficielles. Or, des données récentes soulignent le rôle central de régions profondes du cerveau, notamment le cingulaire subcalleux, dont l’hyperactivité et l’hyperconnectivité seraient impliquées dans les formes sévères et résistantes de dépression. La stimulation invasive de cette zone a montré une efficacité clinique, mais au prix d’une chirurgie lourde.
 
Pour contourner cette limite, une équipe parisienne a conçu un dispositif de stimulation transcrânienne ultrasonore (TUS). L’étude pilote StimulUS a évalué cette approche chez cinq patients, âgés de 23 à 75 ans, hospitalisés à Sainte-Anne et souffrant de dépression majeure résistante à au moins deux antidépresseurs. Chaque patient a reçu 25 séances en 5 jours, puis a été suivi pendant quatre semaines. Aucun effet indésirable grave n’a été observé ; seuls des épisodes transitoires de somnolence ou d’anxiété modérée ont été signalés.
 
Les résultats cliniques sont remarquables : après 5 jours, le score moyen à l’échelle MADRS est passé de 37,2 à 14,8, soit une réduction de 60,9%. Quatre patients sur cinq (80 %) ont répondu au traitement et deux (40%) ont atteint une rémission. Des bénéfices cognitifs ont également été notés, notamment sur la mémoire de travail, l’attention soutenue et la flexibilité cognitive. Les IRM fonctionnelles avant et après traitement ont confirmé une modification de la connectivité neuronale, avec une meilleure régulation entre le cingulaire subcalleux, le cortex préfrontal dorsolatéral gauche et l’hippocampe droit.
 
Cependant, l’effet n’est pas durable : au terme des quatre semaines de suivi, une partie des bénéfices avait disparu, avec une diminution moyenne de 22,4 % du score MADRS. L’optimisation du protocole (durée, fréquence, intensité des séances) constitue donc une étape essentielle avant de confirmer son efficacité.
 
Le dispositif repose sur des ultrasons de faible intensité, qui agissent mécaniquement en ouvrant des canaux calciques modulant l’activité neuronale, sans échauffement des tissus. Pour cibler avec précision le cingulum, les chercheurs ont conçu des lentilles acoustiques personnalisées à partir d’imageries cérébrales 3D (scanner, IRM, tractographie). Ces lentilles, imprimées en 3D, corrigent les distorsions des ondes dues au crâne et sont intégrées à un appareil portable.
 
Bien que préliminaires et obtenus sur un échantillon réduit, ces résultats suggèrent que la TUS pourrait devenir une alternative non invasive, précise et portable pour traiter la dépression résistante, avec un délai d’action rapide et, potentiellement, d’autres troubles psychiatriques.

Source : Univadis