Article N° 8165
PHARMACIE - PRIX DU MEDICAMENT - SIT-IN
Prix du médicament : avons-nous encore besoin de pharmaciens ?
Abderrahim Derraji - 18 août 2025 17:13Rien ne va plus entre les pharmaciens et le ministère de la Santé et de la Protection sociale.
Las des promesses non tenues et craignant les graves conséquences que pourrait avoir la mise en application du projet de décret de fixation des prix des médicaments sans prise en compte de son impact sur l’économie de la pharmacie, la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc (CSPM), réunie le jeudi 14 août 2025 dans le cadre d’un Conseil national extraordinaire, a appelé les pharmaciens à participer à une série d’actions revendicatives. Celles-ci débuteront par le port d’un brassard noir du lundi 18 août 2025 au mardi 9 septembre 2025 et l’organisation d’un sit-in devant le ministère de la Santé le 9 septembre 2025.
Faut-il le rappeler, la culture de la concertation est quasi inexistante entre les pharmaciens et leur tutelle. Les rares fois où l’administration a daigné se réunir avec eux au cours des deux dernières décennies, c’était à la suite de grèves ou de sit-in. Bien souvent, ces rencontres visaient surtout à calmer la situation à coups de promesses vite perdues dans les méandres de l’administration.
Dernier exemple en date : le ministère de la Santé avait organisé une série de réunions avec les représentations syndicales des pharmaciens. Elles avaient abouti en 2019 à l’identification de mesures nécessaires pour améliorer, sécuriser et faire évoluer la pratique officinale, faire respecter la législation en vigueur par tous les intervenants et assurer la pérennité de la profession. Autant de mesures qui avaient suscité beaucoup d’espoir chez les officinaux. Seulement, cinq années après, les promesses se sont volatilisées. Pire encore, le ministère actuel prépare un décret de fixation des prix des médicaments qui, s’il est appliqué sans mesures compensatoires, pourrait sceller définitivement le sort de la moitié des pharmacies du Royaume.
Certes, la généralisation de la couverture sanitaire exige une gestion rigoureuse des ressources des caisses. Cependant, bien que le médicament constitue une part importante des dépenses, il est essentiel d’examiner l’ensemble des postes afin d’éviter de cibler systématiquement le prix des médicaments. Comme le dit l’adage: «Quand on n’a pour seul outil qu’un marteau, on finit par voir des clous partout.»
La baisse des prix des médicaments a des limites qu’on ne peut ignorer, car la disponibilité et la qualité ont un coût incompressible. Un grand nombre de spécialités pharmaceutiques sont introuvables sur le marché à cause des pénuries ou d’un défaut de rentabilité, et les pharmacies risquent de subir le même sort si la politique actuelle privilégie une viabilité hypothétique des caisses au détriment de celle des pharmacies et de tout un secteur, qui pourrait s’effondrer par effet domino.
Aujourd’hui, certains médias présentent le pharmacien comme un obstacle à l’amélioration de l’accès aux médicaments, ce qui est totalement insensé. Si l’on souhaite améliorer la prise en charge des patients, il faut accorder au pharmacien le droit de substitution et mettre en place des protocoles permettant d’éviter les prescriptions injustifiées de médicaments et de compléments alimentaires coûteux et inutiles, qui alourdissent le reste à charge que le malade peine à régler. Il conviendrait également d’améliorer le remboursement des consultations, des examens biologiques essentiels et de l’hospitalisation.
En revanche, si notre priorité est la survie des caisses en ciblant les dépenses en médicaments, il faut concentrer les efforts sur les produits les plus budgétivores qui sont connus. La commercialisation et le remboursement de ces médicaments, souvent vendus en dehors des pharmacies, doivent répondre à des critères rationnels et tenir compte des ressources des caisses.
À l’instar de leurs confrères français, qui ont fait grève samedi dernier pour manifester leur désapprobation face à la réduction des remises commerciales sur les génériques, les pharmaciens marocains, dont les revenus diminuent à vue d’œil, pourraient engager un bras de fer avec leur tutelle pour qu’elle privilégie la concertation avec leurs représentants avant de décréter des mesures qui provoqueraient une véritable hécatombe dans le secteur et un défaut d’accessibilité aux médicaments dans de nombreuses régions du Royaume. À la question : «Avons-nous encore besoin de pharmaciens ?», la réponse ne peut être qu’affirmative . En revanche, à la question : «Allons-nous les garder ?», rien n’est moins sûr !
Source : PharmaNEWS