Article N° 7416

PRIX DU MÉDICAMENT

Refonte du Décret de fixation du prix des médicaments : l’après précipice !

ABDERRAHIM DERRAJI - 31 juillet 2022 12:41

Depuis que les pharmaciens d’officine ont appris que la refonte du Décret de fixation des prix des médicaments1 est imminente, les réseaux sociaux se sont enflammés. Ces réactions traduisent leurs inquiétudes et craintes de voir la tragédie qu’ils vivent depuis la publication du Décret 2-13-852 en 2013 perdurer, voire s’amplifier.

En effet, les baisses des prix de médicaments qui ont suivi l’entrée en vigueur de ce texte de loi ont, en quelque sorte, sacrifié les pharmaciens d’officine à l’autel d’une amélioration de l’accès aux médicaments qui n’a toujours pas eu lieu. Plus que ça, l’accès aux médicaments onéreux s’est compliqué en raison de la marge insignifiante accordée aux pharmaciens et aux répartiteurs. Le non-respect du circuit légal de distribution et le dirigisme compromettent aussi la disponibilité de ces traitements dans toutes les régions du Royaume. L’accès aux médicaments à bas prix et peu ou pas rentables a aussi été compromis. Faute de réajustement justifié de leur prix, ces spécialités sont en train de disparaître les uns après les autres du marché marocain.

Les génériques ne sont pas en reste puisque le mode de décrochage que prévoit le Décret 2-13-852 entraîne un alignement des prix des médicaments génériques sur celui de leurs princeps, ce qui fait perdre aux génériques leur raison d’être. Et comme le pharmacien marocain est l’un des rares pharmaciens au monde à ne pas être autorisé à pratiquer la substitution, il se voit hélas, obligé de détenir en stock un nombre inimaginable de références.

Aujourd’hui et bien que les pharmaciens aient adhéré spontanément et massivement au projet de généralisation de la couverture médicale initié par le Souverain, la mésaventure qu’ils ont vécue du temps d’El Houssaine Louardi leur est restée en travers de la gorge. Ne dit-on pas «Chat échaudé, craint l’eau froide» ?

En effet, les mesures compensatoires promises aux pharmaciens pour réduire l’impact des baisses des prix des médicaments se sont perdues dans les méandres de l’administration. Quant à l’augmentation du volume de ventes des médicaments annoncée à maintes reprises par El Houssaine Louardi, il ne s’agit là que d’un leurre de plus pour faire passer la pilule aux pharmaciens. Conséquence prévisible : les revenus des pharmaciens ont fondu comme neige au soleil et le nombre de pharmacies en difficulté est en augmentation constante, particulièrement depuis 2013.

Depuis le 28 juin, date à laquelle le ministère de la Santé a entamé une série de rencontres avec les intervenants du secteur en vue de préparer une nouvelle mouture du Décret 2-13-852, les représentants syndicaux et ordinaux des pharmaciens d’officine s’activent afin de préparer leurs recommandations. Et même si l’union de la profession ne soit pas toujours de mise, les propositions et recommandations émanant des différents courants de la profession se rejoignent dans leur globalité.

On ne peut s’empêcher de se demander ce qui justifie toute cette énergie déployée par certains représentants plus ou moins légitimes pour que la totalité des composantes de la profession ne puisse pas se retrouver autour d’une même table et élaborer des recommandations au nom de toute la profession. Mais, ce dont on est sûr, c’est qu’une fois de plus, un nouveau Décret va voir le jour avec ou sans le consentement des pharmaciens. Certains «responsables» vont, comme en 2013, user de toutes sortes de subterfuges pour nous faire croire que la «bouteille vide» est en réalité à moitié pleine, sachant que ce sont les pharmaciens de la base qui boiront le calice jusqu’à la lie. Autrement dit, ceux qui se targuent d’être les sauveurs de la profession sont devenus ses fossoyeurs, et bien souvent, ils ne s’en rendent même pas compte…

(1) Décret 2-13-852 du 18 décembre 2013 relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés.

Source : PHARMANEWS