Article N° 7348

E-santé

E-santé au Maroc : de l’utilité d’une approche globale !

Abderrahim Derraji - 17 avril 2022 16:59

Le Livre blanc «La e-santé au Maroc : réalités, enjeux et leviers de développement» a été présenté le 8 avril à Rabat lors d’une cérémonie qui s’est tenue à la présidence de l’Université Mohammed V (UM5), en présence de Khalid Aït Taleb, ministre de la Santé et de la protection sociale, de Abdellatif Miraoui, ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l'innovation, et de Ghita Mezzour, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la réforme administrative.

Pour le Pr Anas Doukkali, ancien ministre de la Santé qui a présenté cette initiative, ce Livre blanc aspire à devenir un référentiel pour tous les acteurs de l’écosystème de santé numérique permettant un développement structuré du secteur avec une «approche culturelle commune».

Pour rappel, la e-santé a été définie pour la première fois en 1999 par l’Australien John Mitchel comme étant «L’usage combiné de l’Internet et des technologies de l’information à des fins cliniques, éducationnelles et administratives, à la fois localement et à distance». Mais actuellement, la e-santé est devenue, en quelque sorte, un fourre-tout où on met tout ce qui contribue à la transformation digitale des systèmes de santé. Son importance a particulièrement été mise en évidence durant la pandémie Covid-19.

En effet, les techniques de l’information et de la communication et les solutions digitales se sont révélées des alliés de choix pour maintenir certains services devenus impossibles à cause du confinement. Des applications considérées, il y a peu temps comme de simples «gadgets», nous ont rendu de loyaux services, à l’image et de la plateforme liqahcorona.ma qui a grandement facilité le déroulement du programme de vaccination.

Riche de cette expérience et d’autres initiatives, notamment en matière de télémédecine, le Royaume devrait tirer davantage profit des nouvelles technologies et entamer une refonte en profondeur de son système de santé pour garantir un déploiement optimal de la e-santé.

Sans la mise en place d’un système d’information performant et efficient et d’un dossier numérique patient, et une dématérialisation des flux de données entre tous les intervenants du secteur de la santé, la généralisation de la couverture initiée par le Souverain et attendue par tous les citoyens risque de ne pas donner l’effet escompté.

Un système d’information bien étudié permettra de générer de précieuses données pouvant être exploitées pour évaluer le système de santé et contribuer à sa mise à niveau et à son efficience. Et comme l’ont rappelé les auteurs de ce Livre blanc initié par l’Université Mohammed V de Rabat en partenariat avec le cabinet Buildfluence, l’émergence de la e-santé au Maroc reste tributaire de la mise en place d’un environnement favorable à son développement et capable de fédérer l’ensemble des acteurs autour d’une stratégie nationale intégrée, multisectorielle et participative. Celle-ci devrait être centrée sur le patient et tenir compte aussi bien des expériences internationales que des spécificités nationales.££On ne peut pas nier que les expériences marocaines en télémédecine laissent espérer la fin de l’iniquité aux soins prévalant dans certaines régions enclavées et/ou sous médicalisées. D’autres initiatives conduites dans les CHU ont permis la mise en place de systèmes d’information ayant contribué à améliorer le parcours de soins. Mais force est de constater que ces expériences restent isolées et l’inter-opérabilité n’est pas de mise. On se retrouve de ce fait avec des «pôles d’excellence» cloisonnés, suivis de très loin d'expériences plus au moins abouties, ce qui retarde l’échéance de voir le déploiement global de la e-santé au Royaume se concrétiser.

À ce cloisonnement, il faut ajouter, comme l’indique le Livre blanc, la faible connectivité dans certaines régions, la mauvaise gestion des hôpitaux publics, le défi en formation des professionnels de santé et l'absence d'identifiant unique du patient qui constituent des freins au déploiement de la e-santé. On ne peut pas non plus espérer un développement de la e-santé sans un cadre législatif efficient et régulièrement actualisé et une vigilance à toute épreuve vis-à-vis de la cybercriminalité.

In fine, l’administration et les différents intervenants du système de santé sont aujourd’hui acculés à puiser dans la e-santé des solutions innovantes dont dépend son fonctionnement, voire sa pérennité. Le Maroc ne manque pas d’atouts, mais plutôt d'une vision globale et de solutions interopérables impliquant tous les intervenants. Sans cette vision globale, les expériences pilotes limitées et sans lendemain ont de beaux jours devant elles. 

Source : PharmaNews