Article N° 6813
Covid-19 ; Surmortalité
Covid-19 : La « surmortalité », un indicateur de choix de la mortalité
Dr MOUSSAYER KHADIJA - 17 août 2020 14:59La surmortalité (l’excès de décès lors de la crise épidémique par rapport à une situation normale) permet d’avoir une vision statistique complète d’une épidémie. Cela passe par une comparaison des décès totaux dans la période de crise par rapport à un nombre de décès moyen fondé généralement sur la mortalité des cinq années précédentes. L’écart constaté par rapport à cette moyenne, la surmortalité, assure d’englober tout à la fois les décès comptabilisés officiellement comme relevant du Covid19, la mortalité indirecte due aux conséquences de l’épidémie (la restriction de l’accès au soin), et une mortalité directe de personnes mortes du virus sans qu’on l’ait clairement identifiée. La réunion de ces 3 composantes donne le bilan final de l’épidémie. Il ne correspond pas uniquement à des hausses de décès d’ailleurs, car la période en cause se traduit aussi par une baisse de la mortalité en raison de la réduction des déplacements et des activités (accidents de la route, accidents professionnels...).
Un outil difficile à mettre en œuvre au Maroc
Le premier écueil est celui de l’attribution d’une cause déterminée à un décès d’une personne, âgée notamment (et surtout passée 80 ans quand elle souffre de polypathologies). Ce problème fait encore débat, même en Europe.
«Le lien peut être ténu, par exemple dans le cas d’un suicide lié au confinement, ou très fort, si l’infection perturbe l’équilibre précaire causé par des maladies préexistantes et provoque par exemple un décès par Parkinson ou insuffisance cardiaque. On peut mourir du Covid-19 ou avec le Covid-19.» comme le précise Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale, à l’Université de Genève et un des meilleurs spécialistes en ce domaine. Dans l’incertitude d’une situation, le décès, pourtant, est normalement affecté au décompte des victimes de l’épidémie.
La précision sur les causes de la mort et la relative rapidité à l’effectuer ce chiffrage constituent la seconde difficulté.
De nombreux pays comme le Maroc n’ont malheureusement pas les données nécessaires pour mesurer rapidement la surmortalité. Et de nombreux pays à faible revenu, notamment en Afrique, ne tiennent pas de registre de décès, ou en tiennent un, mais sans en préciser les causes. C’est un processus difficile, car les causes de mortalité doivent être codées, à partir des certificats de décès remplis manuellement par le médecin, selon la classification internationale des maladies de l’OMS.
Une exception notable en Afrique, tout de même, l’Afrique du Sud où des chercheurs du Conseil sud-africain de la recherche médicale (SAMRC), un organisme indépendant, estiment déjà qu’environ 17 000 décès supplémentaires causés par le nouveau coronavirus n’ont pas été enregistrés, entre mai et fin juillet, dans les statistiques officielles qui s’établissaient à seulement 8 800 morts !
Une meilleure connaissance de la surmortalité au Maroc serait pourtant fort utile pour le suivi de l’épidémie, pour le respect des standards internationaux recommandés par l’OMS et, ne serait ce qu’en mémoire de toutes les victimes ! L’écart entre surmortalité et bilan surtout hospitalier sera certainement beaucoup plus réduit qu’en Europe (une hausse de la surmortalité constatée de 50% entre fin mars et début avril), du fait d’une proportion de personnes âgées (les victimes principales) beaucoup moins élevée dans nos pays encore jeunes. En tout état de cause, les évaluations actuelles entre les différents pays doivent être interprétées avec beaucoup de prudence du fait de l’hétérogénéité des bases de calcul et des structures de la population : est-il raisonnable et vraiment scientifique en effet de comparer, par exemple, certains pays d’Afrique Noire à la jeunesse débordante avec une Italie vieillissante?
Vous trouverez, ci-dessous, des précisions sur la restriction de l’accès au soin par la population au Maroc, sur la surmortalité en Europe ainsi que la bibliographie.
Dr MOUSSAYER KHADIJA
Spécialiste en médecine interne et en Gériatrie en libéral, Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS)
EN SAVOIR PLUS
1/ La restriction de l’accès aux soins lors du confinement
La crainte de contamination à la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19) et le manque de moyens ont limité l’accès aux services de santé en période de confinement, selon le Haut-commissariat au Plan (HCP) dans une de ses notes sur les rapports sociaux pendant l’épidémie parues fin juillet.
On peut ainsi retenir que le non-accès aux services de santé est dû au manque de moyens disponibles, pour 34,2% dans le cas des maladies chroniques, 35,6% pour des maladies passagères et 26,2% pour des services de santé maternelle. La crainte d’une éventuelle contamination est à l’origine du renoncement à la vaccination des enfants de moins de 5 ans pour 50,1% des cas.
Ces données ont été faites à partir de sondages réalisés du 15 au 24 juin 2020 sur un échantillon représentatif de 2.169 ménages. Il faut saluer à ce propos l’excellent travail statistique accompli par le HCP sur les données sociales et économiques du Maroc.
2/ La surmortalite en Europe
Selon des données publiées fin juillet par l’Institut français de la statistique (Insee), les écarts entre les bilans officiels au jour le jour et la surmortalité constatée à partir des registres de décès peuvent malheureusement être significatifs. On sait en effet maintenant que la surmortalité en Europe a enregistré une hausse de 50% entre fin mars et début avril, en raison de la pandémie et plus précisément respectivement de 71 % en Espagne, 49 % en Italie, 44 % en Belgique et de 28 % en France sur l’ensemble des 8 semaines comprises entre début mars et fin avril.
3 - Bibliographie
- La crainte de contamination au covid-19 et le manque de moyens limitent l’accès aux services de santé - Maroc diplomatique avec MAP -28 juillet 2020 https://maroc-diplomatique.net/la-crainte-de-contamination-au-covid-19-et-le-manque-de-moyens-limitent-lacces-aux-services-de-sante/
- Hausse de 50% de la surmortalité en Europe à cause du coronavirus. Par. Maroc diplomatique avec MAP. -. 29 juillet 2020.
https://maroc-diplomatique.net/europe-hausse-de-50-de-la-surmortalite-en-europe-a-cause-du-coronavirus/
- L’impact du Covid-19 sous-estimé dans de nombreux pays – Le Temps -30 mai 2020 https://labs.letemps.ch/interactive/2020/surmortalite-et-covid-19/
- TheEconomist/covid-19-excess-deaths-tracker https://github.com/TheEconomist/covid-19-excess-deaths-tracker
Source : PMA