Article N° 6016
POLITIQUE
Officinaux : doit-on diaboliser la politique?
Abderrahim DERRAJI - 01 mai 2018 09:47Ces derniers temps, les adeptes des réseaux sociaux suivent un débat qui ne dit pas son nom, un débat qui pose, une fois de plus, la problématique de la compatibilité entre un engagement au sein d’un parti politique et un poste de responsabilité au sein d’un organisme professionnel.
Cette question ne date pas d’aujourd’hui, puisque certains pharmaciens se sont vus, par le passé, reprocher leur engagement au sein de partis politiques. Ces mêmes pharmaciens nous ont été d’un grand secours lors du débat qui a précédé la promulgation de la loi 17-04 portant Code du médicament et de la pharmacie.
En effet, grâce à ces confrères, les partis politiques nous ont ouvert les portes. Une série de réunions programmées au parlement a contribué à dépouiller la loi 17-04 de certaines dispositions en défaveur des pharmaciens.
Une autre loi a également mis en évidence l’apport des pharmaciens députés. Il s’agit de la loi 84-12 relative aux dispositifs médicaux. Ces députés-pharmaciens ont, à leur tour, fourni un grand effort pour que cette loi prenne en considération les intérêts du patient sans sacrifier ceux du pharmacien d’officine.
Ces deux exemples, parmi d’autres, constituent la preuve que la profession gagnerait à avoir des pharmaciens engagés politiquement, pour peu qu’ils arrivent à concilier les attentes de leur électorat et celles de leurs confrères. D’ailleurs, et contrairement aux autres professions, la nôtre compte un nombre insignifiant de députés.
Néanmoins, l’engagement politique peut avoir des effets pervers, notamment quand certains partis mettent en place de vraies stratégies pour conquérir les postes clés au sein des instances professionnelles, sans nullement se soucier des exclusions et divisions qu’elles peuvent engendrer.
Ce genre de cumul n’est pas le seul. Certains de nos représentants occupent à la fois des postes au sein des instances ordinales et syndicales. Cette aberration qui n’existe que sous nos cieux peut compromettre l’indépendance du Conseil de l’Ordre. On devrait prendre exemple sur le modèle tunisien où le législateur a prévu au niveau de la loi 73 organisant la profession pharmaceutique un article (50 bis) qui interdit le cumul entre «les fonctions de membre du Conseil national ou d’un Conseil régional de l’Ordre, d’une part, et celles de membre d’un des comités d’administration ou de direction d’une organisation syndicale pharmaceutique, d’autre part».
Aujourd’hui, le bon sens voudrait qu’on prévoie un alinéa au niveau du projet de régionalisation visant à interdire le cumul d’un mandat ordinal et d’un mandat syndical. Ce même bon sens devrait également nous inciter à ne pas diaboliser l’engagement politique de nos confrères. On devrait même les y encourager. Seulement, il faut mettre en place des mécanismes pour maitriser les conflits d’intérêts et certains dérapages pouvant porter préjudice à notre profession. Et surtout, on devrait faire en sorte que l’article 2 du Dahir de 1976 instituant un Ordre professionnel soit respecté à la lettre. Cet article interdit à l’instance ordinale «toute ingérence dans les domaines religieux, philosophique ou politique».
Source : PHARMANEWS