Article N° 5808

LÉVOTHYROX

LÉVOTHYROX® : Quand un simple changement d’excipient provoque une vraie crise !

Abderrahim Derraji - 04 septembre 2017 19:26

Le changement de formulation du LÉVOTHYROX® en France, qui aurait pu passer inaperçu, a pris aujourd’hui une tournure à laquelle ne s’attendaient ni le laboratoire Merck, ni les autorités sanitaires.

Pour informer et rassurer les patients sous LÉVOTHYROX®, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM –France) a mis en place un numéro vert qui a reçu 70.000 appels en trois jours! D’après l’ANSM, en dehors de certains malades qui ont signalé des effets indésirables comme la fatigue, une perte de cheveux ou des vertiges, la plupart des patients qui ont appelé le numéro vert ont uniquement « besoin d'être rassurés ».


Malheureusement, certains malades inquiets sont tentés de mettre fin à leur traitement. Il y en a même qui ont essayé de switcher de la forme galénique «comprimé» vers la forme «gouttes buvables». En faisant de la sorte, ils ont provoqué une tension d’approvisionnement de la spécialité L THYROXINE SERB 150 microgrammes/ml, solution buvable en gouttes. Ceci risque de priver les enfants de moins de 8 ans et les personnes ayant des troubles de déglutition de la lévothyroxine sous forme de gouttes buvables, sans la possibilité d’opter pour une autre alternative thérapeutique.

Pourtant, rien ne présageait une telle situation. Merck n’a fait que mettre en application des exigences de l’Agence française afin d’améliorer la stabilité de la lévothyroxine. Et pour éviter d’éventuelles fluctuations des concentrations sériques de cette molécule, deux études de bioéquivalence de la nouvelle formulation ont été menées.

Aujourd’hui, on se retrouve devant une situation où, d’un côté, un groupe de patients, fort d’une pétition ayant recueilli 124.000 signatures, demande le retour à l’ancienne formule et, de l’autre côté, une agence et un laboratoire qui ne disposent que d’un nombre non significatif d’effets indésirables déclarés, mais qui sont quand même acculés à démontrer, preuve à l’appui, que la nouvelle formulation du LÉVOTHYROX® ne présente pas plus de risque que l’ancienne.

Malheureusement, l’affaire Médiator et son onde de choc ont laissé des séquelles. Les malades sont devenus méfiants vis-à-vis des laboratoires et des experts chargés d’évaluer les médicaments. Les techniques de l’information et de la communication (TIC), que les patients ont rapidement apprivoisées, jouent également un rôle majeur dans ces crises sanitaires. Le moindre effet indésirable ou incident, avéré ou non, peut générer un flot de commentaires sur les réseaux sociaux dont la viralité met rapidement les laboratoires, les agences et l’administration devant une situation ingérable. Pour s’en convaincre, il suffit de se remémorer le cas de la vieille dame qui s’était trompée en mettant un comprimé de zopiclone dans sa boîte de furosémide. L’emballement médiatique injustifié qui a suivi cet incident a même été à l’origine de l'interruption des chaines de production du laboratoire concerné !

Aussi, cette crise sanitaire, sa gestion et ses conséquences méritent qu’on s’y intéresse de très près. Elle a mis en avant l’importance de l’efficience de la communication, surtout quand il s’agit de médicaments utilisés par un nombre important de patients. Elle a également mis en évidence le pouvoir des TIC qui constituent des alliés exceptionnels pour informer les malades, mais qui peuvent transformer le moindre fait en un vrai cauchemar dont personne ne peut prédire les conséquences.

N. B. Le Maroc n’est pas concerné puisque la formulation du LÉVOTHYROX® actuellement commercialisée est la même depuis 2003.

Source : PHARMANEWS 405