Article N° 5401

MEDECIN ET PHARMACIEN

Pharmacien et médecin, pour le meilleur et pour le pire !

Abderrahim DERRAJI , Docteur en pharmacie - 31 octobre 2016 20:35

Des siècles durant, le médecin faisait à la fois son travail et celui du pharmacien. Et ce n’est qu’au VIIIe siècle qu’on a commencé à voir les prémices d’une profession indépendante(1). En effet, d’après Youhanna ibn Massaouih (Jean Meesué), Issa Abou Qoreïch a été le premier pharmacien à part entière. Ce dernier disposait d’une pharmacie près de la porte du palais du Calife abbasside Al-Mahdi (775-785 J.-C.). Ce «Saydali», comme on l’appelait à cette époque, avait acquis une telle notoriété que le Calife lui demanda d’abandonner son officine pour se mettre exclusivement à son service.
 

Abou Bakr Al-Razi (Rhazes) est également un pharmacien qui a beaucoup compté puisque c’est l’un des premiers à avoir contribué à identifier la pharmacie en tant que profession et en tant que science. Il lui consacra pas moins de 400 pages de son célèbre œuvre «Al-Hawi». Dans son introduction, Al-Razi y définit la pharmacie comme étant «la connaissance des médicaments, la faculté de différencier la bonne qualité de la mauvaise, d’identifier le pur et le falsifié». «Ce savoir n’est pas nécessaire au médecin, mais il lui est utile ; il est cependant obligatoire (dharouri) pour le pharmacien».

La profession pharmaceutique a donc vu le jour dans le monde arabe au IXe siècle. Son développement amena les Califes et les gouvernements ainsi que les professionnels à en faire une profession spécialisée, autonome et à promulguer les textes permettant son organisation.


Au Maroc, les premières pharmacies ont vu le jour au début du XXe siècle (2). Le premier texte de loi réglementant la pharmacie date de 1916.


Aujourd’hui, la profession est régie par plusieurs textes de loi dont le plus important est le Code du médicament et de la pharmacie qui définit, dans son article 29, les règles et les conditions de la dispensation.

On assiste cependant à un décalage entre l’exercice tel qu’il est défini par la loi et l’exercice tel qu’il est pratiqué au quotidien. Un des exemples les plus parlants est la délivrance des contraceptifs oraux. Ces spécialités qui appartiennent au tableau «A» ne peuvent pas, en théorie, être délivrées sans une ordonnance valable. Et même si le Maroc a longtemps fait de la planification familiale une priorité, aucun aménagement n’a été fait au niveau de la loi pour permettre au pharmacien de conseiller les contraceptifs ou au moins de les renouveler.
Ceci n’est pas le cas dans d’autres pays, notamment la France où le pharmacien peut renouveler, en toute légalité, une ordonnance de contraceptif même si celle-ci est arrivée à échéance. La loi HPST (3) lui permet également de «dépanner» un malade chronique s’il estime que l’arrêt du traitement peut lui porter préjudice.

Les pharmaciens maghrébins réunis, le 25 octobre 2016, à Alger dans le cadre des RIPA (4) en présence d’experts français et québécois se sont penchés sur le modèle d’exercice de la pharmacie au Québec, un modèle où les soins pharmaceutiques ont contribué à valoriser l’apport du pharmacien dans la prise en charge du patient. Le cas français est aussi intéressant. 
Des expériences y sont actuellement menées en impliquant le pharmacien pour améliorer la prise en charge des patients sous AVK (anti-vitamine K) ou asthmatiques. Pas plus tard que la semaine dernière, les députés ont adopté un amendement qui autorise les pharmaciens, pendant une période d'essai de trois ans, à vacciner les adultes contre la grippe. Un autre amendement présenté comme symétrique a été adopté. Il s’agit de l’expérimentation pendant trois ans de la détention par le médecin généraliste en vue de l’administration du vaccin contre la grippe. Ces deux décisions ont été prises pour améliorer la couverture vaccinale qui reste anormalement basse dans l’hexagone.


En Occident, l’évolution des professions de pharmacien et de médecin tend vers une convergence des missions. Cette évolution est inévitable pour le Maghreb, autant l’anticiper et bien la préparer, avec l’intérêt du patient comme leitmotiv.
 

(1) Revue d'histoire de la pharmacie  Année 1996  Volume 84 Numéro 312 pp. 509-511
(2)
Lien
(3)  Hôpital, patients, santé et territoires (21 juillet 2009)
(4)  
Rencontres internationales de pharmacie d’Alger

Source : PHARMANEWS 363