Article N° 5396

RADIOLOGIE

Progrès de l'imagerie médicale : Source de surtraitements

Imounachen Zitouni - 29 octobre 2016 00:36

Les découvertes fortuites sont le lot quotidien des radiologues. Car comme le rappelle dans sa thèse de fin d’étude le Dr Romain Pommier, radiologue à l’hôpital Beaujon (Clichy), «plus les télescopes seront perfectionnés, plus il y aura d’étoiles».

C’est ce qui se passe aujourd’hui dans le champ de l’observation du corps humain. Plus rien, ou presque, n’échappe à l’œil des spécialistes grâce aux progrès réalisés par l’imagerie médicale. Résultat: dans 20 % des examens, les radiologues découvrent autre chose que ce qu’ils cherchent. Parfois, ces explorations permettent de prendre en charge des maladies avant qu’elles n’atteignent un stade difficilement curable. «C’est le cas notamment des cancers du rein. 65 % sont découverts fortuitement, et c’est une chance», affirme le Dr Pommier. Mais il rappelle également dans sa thèse que les conséquences négatives potentielles de ces découvertes fortuites semblent être plus nombreuses que les conséquences positives.

En effet, dans la majorité des cas, ces «incidentalômes», comme les appellent les médecins, ouvrent la voie à une batterie d’examens invasifs, à un suivi anxiogène, voire à des traitements inutiles. «Ils sont la porte ouverte aux surdiagnostics et aux surtraitements», met en garde le Pr Éric Galam, enseignant à l’université Paris-Diderot.

Le développement de l’échographie a ainsi «créé» une épidémie de cancers de la thyroïde en dépistant des nodules qui ne seraient jamais devenus agressifs, comme l’a rappelé une étude publiée par le New England Journal of Medicine en août dernier. En France, les chercheurs estiment à 90 % de taux de surdiagnostic et de surtraitement de cancers de la thyroïde ces vingt dernières années! Dans l’ensemble des grands pays développés, ce sont 500.000 personnes qui ont été opérées inutilement.

Hormis les risques d’un possible surtraitement, les découvertes fortuites chamboulent la vie des patients. L’espace d’une IRM ou d’un scanner, ils passent du statut de bien portant à celui de malade potentiellement grave. 26 % des personnes développent des signes cliniques d’anxiété après la découverte fortuite d’un nodule au poumon. «Les causes de cette anxiété sont liées à l’incertitude sur la cause du nodule (78 %), la possibilité d’un cancer (73 %) et la potentielle nécessité d’une chirurgie (64 %)», écrit Romain Pommier dans sa thèse.

«La technologie radiologique apparaît comme un outil puissant dans la volonté de faire reculer l’incertitude en médecine», note Romain Pommier. Il s’agit pour le médecin de se rassurer, de se protéger ou encore de répondre à la pression des patients.

 

Source : santelefigaro