Article N° 5111

MÉDECINE

Pronostics en médecine : la grande incertitude

Imounachen Zitouni - 19 mai 2016 19:54

Une étude publiée dans la revue Neurology, a révélé que les prédictions de mortalité s'échelonnent de 0% à 100% dans la plupart des cas. Pour arriver à ce résultat, le Dr Darin Zahuranec neurologue à l'université du Michigan et investigateur principal de cette étude, a demandé à 752 médecins américains de faire un pronostic sur quatre cas de patientes ayant eu un accident vasculaire cérébral hémorragique (hémorragie cérébrale). Des cas de gravité variable et concernant des malades d'âges différents (de 56 à 83 ans). Le pronostic est important car il peut déterminer les actes thérapeutiques qui vont être engagés par la suite, jusqu'à, par exemple une intervention de neurochirurgie.

«J'ai été surpris de voir le niveau de variabilité parmi les médecins», ajoute le Dr Zahuranec. «Cette étude ne fait que confirmer que le pronostic n'est jamais simple en médecine», remarque le Pr Yannick Béjot, chef du service de neurologie du CHU de Dijon.

«Le pronostic d'un accident vasculaire cérébral (AVC) hémorragique est absolument impossible, abonde le Pr Yves Agid, neurologue à la Pitié-Salpêtrière et fondateur de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière. C'est un peu comme une grenade qui explose près de vous. Vous pouvez mourir sur le coup, n'avoir qu'un petit éclat ou des dégâts épouvantables.»

Par opposition aux AVC ischémiques (par obstruction d'une artère) dont l'évolution est plus prévisible, les AVC hémorragiques se signalent par leur imprévisibilité. «Le territoire cérébral touché est moins bien délimité et le saignement peut recommencer», explique le Pr Agid.

«Même si les professionnels souhaitent prendre du temps, ce sont parfois les familles qui demandent une décision rapide», note Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale à l'université Paris Sud, «or il faut du temps pour qu'il y ait un processus décisionnel».

«Avoir quelques jours de recul est utile, explique le Pr Béjot, cela permet de voir si le patient va mieux ou moins bien. C'est une donnée précieuse et qui d'ailleurs manquait dans l'étude américaine où les médecins ne disposaient que des informations à un moment donné et ne pouvaient pas voir les malades.»

Selon le Pr Queneau la prudence fait aussi partie de la démarche de soin: «Il est criminel de ne pas laisser un coin de ciel bleu au malade et à ses proches. L'espoir est à la fois la première et la dernière arme du médecin. Un coin de ciel bleu c'est bien plus que de la poésie, c'est la capacité de se battre contre la maladie. Bien sûr que certaines situations sont plus graves que d'autres mais la médecine n'est pas que mathématique et un médecin doit toujours se dire que ce qui est vrai pour 1000 malades ne l'est peut-être pas pour celui qui est en face de lui.»

 

Source : http://sante.lefigaro.fr