Article N° 5028

ALCOOL

L'effet protecteur du «petit» verre d'alcool remis en cause

Imounachen Zitouni - 31 mars 2016 18:10

Une étude publiée dans le Journal of Studies on Alcohol and Drugs, a mis fin au paradoxe dont s'accommodaient les amateurs d'alcool et qui prétendait qu’il y aurait un effet bénéfique pour la santé à consommer de petites doses d’alcool quotidiennement.

En effet, lorsqu'ils comparent des petits buveurs et des abstinents, les chercheurs mêlent souvent indifféremment dans ce dernier groupe les anciens buveurs et ceux qui n'ont jamais touché une goutte d'alcool. «Cela crée un biais qui fait apparaître les buveurs modérés mieux qu'ils ne sont lorsqu'on les compare aux abstinents », explique au Figaro le Pr Tim Stockwell, directeur du centre de recherche sur les addictions à Victoria, au Canada.

Avec ses collègues américains et australiens, il a recensé 87 études apparemment solides sur les liens entre la consommation d'alcool et la mortalité. «Nous avons trouvé 65 études sur 87 qui faisaient cette erreur, détaille le Pr Stockwell. Nous avons aussi envisagé le cas des buveurs occasionnels ayant réduit leur consommation.» Ceci étant fait, la pseudo-protection de la consommation modérée d'alcool disparaît.

«Je pense qu'il faut plutôt regarder nos résultats globalement et conclure qu'il y a là de quoi être sceptique quant à des effets bénéfiques de l'alcool sur la santé», rétorque le Pr Stockwell. C'est aussi l'avis de Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHRU de Lille: «Il y a deux ans, une étude basée sur la randomisation mendélienne (prenant en compte des caractéristiques génétiques, NDLR) a démontré que, quel que soit votre niveau de consommation d'alcool, même faible ou modéré, si vous buvez moins, c'est bénéfique pour votre santé.»

L'industrie des boissons n’a pas tardé à réagir. Elle a rapidement mobilisé des scientifiques pour tenter de contrer l'impact de la publication du Pr Stockwell. Dès le 24 mars, soit deux jours après celle-ci, le site Internet just-drinks.com publiait un texte de chercheurs regroupés dans l'International Scientific Forum on Alcohol Research. Ils critiquaient la sélection d'études faite par Stockwell et l'oubli des travaux existants sur l'effet cardio-protecteur supposé de l'alcool.

«Nous nous y attendions et nous ne prenons pas leurs critiques très au sérieux, explique le Pr Stockwell. Nos conclusions invitent à douter des bénéfices d'une consommation modérée d'alcool sur la mortalité. Ceci n'exclut pas la possibilité d'une cardio-protection qui serait tout simplement annulée par le risque accru de cancers et d'autres maladies.»

Source : http://sante.lefigaro.fr