Article N° 5009

COMMUNICATION

Quand l’information s’éclipse derrière la communication...

Abderrahim Derraji , Docteur en pharmacie - 22 mars 2016 12:52

La communication emboite de plus en plus le pas à l’information. Aux États-Unis, pays qui est souvent copié avec quelques années de retard, le nombre de communicants serait 4 fois supérieur au nombre de journalistes. 
 

En journalisme, l’information peut être définie comme tout élément d'une histoire ayant été vérifié et validé contrairement à une rumeur ou à un bruit de couloir.
Quant à  la communication, elle peut désigner tout élément de discours ayant été produit à des fins précises, notamment pour vanter les mérites d'un produit ou d'une entreprise ou pour étayer une thèse. Généralement, le journaliste aguerri ne peut s'exprimer que quand ses informations sont validées et donc véritables, tandis que le communicant cherche toutes les opportunités avec l’unique objectif d’imposer un discours, quitte à faire des déclarations qui manquent d’exactitude. Des notions ambiguës peuvent être sciemment avancées afin d’entretenir le flou et occuper l'espace même quand le communicant n’a rien à se mettre sous la dent.

L’autre élément qui vient accentuer ce flou, c'est l'accessibilité aux nouvelles techniques de l’information et de la communication (TIC). Ces derniers ont permis à de simples internautes de s'ériger, du jour au lendemain, en fournisseur de contenu. Le foisonnement des sites Internet et des forums rend le tri de l’information particulièrement compliqué.

Par ailleurs, les communicants n'hésitent plus à mener des enquêtes afin de légitimer les thèses qu’ils souhaitent défendre. Du coup, et à l’exception de quelques initiés, il devient de plus en plus difficile de séparer le bon grain de l’ivraie.
 

Le Maroc n’échappe pas à l’hégémonie de la communication et il suffit de jeter un coup d’œil sur la presse classique pour se rendre compte que certains journalistes se contentent de relayer des communiqués sans prendre la peine de les passer au crible par de vrais spécialistes des sujets traités.
Quant à la presse dite électronique, elle brille rarement par son exactitude, et en dehors de quelques rares sites Internet sérieux, on a des informations déformées involontairement par méconnaissance des sujets traités ou volontairement pour servir des "commanditaires" soucieux d’influencer l’opinion publique.
Le dernier exemple en date, certains quotidiens ayant relayé les articles relatifs à la signature de la convention du tiers payant, ont induit les lecteurs en erreur en avançant que les médicaments allaient être donnés gratuitement aux malades chroniques dans les pharmacies.
 
Tout en soulignant l’excellent travail qui est accompli par le département de communication du ministère de la santé, on déplore que la signature de la convention du tiers payant entre les pharmaciens et les caisses d’assurance maladie ait été présentée comme un acquis qui va révolutionner la prise en charge des malades chroniques. Or, il ne s’agit que du renouvèlement d’un contrat qui est en vigueur depuis 2013. Si au moins le nombre des médicaments concernés avait été significativement revu à la hausse, ou encore si cette convention avait été généralisée à tous les malades chroniques, on aurait pu la qualifier "d’historique". Malheureusement, la maigre liste des médicaments concernés par le tiers payant est en deçà des attentes des patients et des professionnels de santé.

 

Quant aux pharmaciens d’officine, ils ne savent pas quoi dire aux malades chroniques qui ont compris qu’ils ne vont avancer que 30% du prix des médicaments. Ces malades ne sont pas non plus au courant que seules 86 spécialités pharmaceutiques sont concernées par le tiers payant et qu’il faut souffrir d’une ALD et  bénéficier de l’AMO pour avoir droit au tiers payant.
 

Voilà donc une information qui aurait pu être claire et concise et nous éviter le flou engendré par une communication qui manque crucialement de clarté...

Source : PHARMANEWS 334