Article N° 4994
ANTITUSSIFS
Antitussifs : attention au mesusage!
Abderrahim Derraji , Docteur en pharmacie - 14 mars 2016 23:17Dans un courrier adressé la semaine dernière aux professionnels de santé, l’ANSM (1) a attiré leur attention sur l’usage déviant qui peut être fait des spécialités pharmaceutiques antitussives opiacées associées aux antihistaminiques H1 chez les adolescents et les jeunes adultes. L’agence française leur a rappelé que les jeunes français se procurent ces médicaments avec ou sans ordonnance pour les utiliser à des fins « récréatives » ou de « défonce ».
En effet, ces médicaments servent à la préparation d’une boisson appelée « Purple drank » composée de sirops à base de codéine, de prométhazine et de soda. Cette boisson a fait l’objet de signalements d’abus et d’usage détourné en France depuis 2013. Cette mode est née à la fin des années 1990 aux Etats-Unis, pays où elle constitue actuellement un vrai problème de santé publique dans la population jeune.
La codéine est un opiacé indiqué chez l’enfant de plus de 12 ans et l’adulte dans le traitement symptomatique de la toux ou des douleurs d’intensité modérée à intense. Quant à la prométhazine, c’est un antihistaminique H1 indiqué dans le traitement symptomatique des manifestations allergiques et en cas d’insomnies occasionnelles. Ces deux médicaments se présentent sous différentes formes qui peuvent être utilisées pour la fabrication du « purple drank ».
D’autres médicaments peuvent, à leur tour, être détournés de leur utilisation à l’image du dextrométhorphane, pour lequel une mise en garde a été adressée aux professionnels de santé (France) en novembre 2014. Il est à rappelé que l’association paracétamol-codéine présente un risque supplémentaire d’hépatotoxicité.
Ces médicaments prisés par les utilisateurs de cette boisson peuvent faire l’objet de demandes dissociées dans des pharmacies différentes, rendant difficile l’identification d’un mésusage.
Par conséquent, l’ANSM recommande aux professionnels de santé d’être particulièrement vigilants face à toute demande, attitude ou constatation d’usage qui peut sembler suspecte, en particulier si elle émane de jeunes adultes ou d’adolescents. L’agence a aussi rappelé dans son écrit que la consommation de cette boisson peut constituer une porte d’entrée dans l’addiction pour les jeunes.
Au Maroc pays où la toxicomanie sous toutes ses formes, associée ou non à la délinquance, constitue une préoccupation majeure des autorités sanitaires, les professionnels de santé doivent redoubler de vigilance face à tout usage suspect des produits concernés.
Aussi, ce cas vient nous rappeler l’importance du rôle du pharmacien dans l’usage rationnel des médicaments, y compris ceux qui peuvent sembler anodins et dénués de toxicité. Ce cas devrait également faire réfléchir les adeptes de la banalisation de la « vente » des médicaments en dehors des pharmacies.
(1) L’Agence Nationale de Sécurité des médicaments et des produits de santé – France
Source : PHARMANEWS 333