Article N° 4778
MSF
Médecins sans frontières dénonce l’opacité autour des prix des vaccins
Imounachen Zitouni - 12 novembre 2015 18:29Dans une pétition diffusée à partir de jeudi, Médecins sans frontières (MSF) dénonce que des enfants meurent encore de pneumonies évitables et que des pays s’enrichissent sans avoir les moyens de vacciner leurs enfants. La pétition dénonce aussi le fait que des laboratoires pharmaceutiques entretiennent une totale opacité sur les prix, et vendent leurs produits parfois plus chers aux pays intermédiaires qu'aux pays riches.
Mis en cause: les laboratoires Pfizer et GSK, qui ont vendu «plus de 26 milliards de dollars» de vaccins contre la pneumonie auxquels «75 % des enfants n'ont pas accès, à cause notamment de leur prix élevé».
«La pneumonie est l'une des premières causes de mortalité chez les enfants, or elle est évitable par la vaccination, explique Nathalie Ernoult. Nous faisons un focus sur le pneumocoque, mais il est symptomatique du fonctionnement global du système.» Car si le monde s'est largement mobilisé pour améliorer l'accès des pays pauvres à la vaccination, le système a des effets pervers.
Tandis que le nombre de vaccins recommandés a doublé depuis 1974, le coût en a été multiplié par… 68 en dix ans! L'essentiel de cette hausse est imputable au prix des nouveaux vaccins, dont beaucoup «sont complexes à fabriquer et requièrent des investissements conséquents, argue GSK. Notre vaccin antipneumococcique est l'un des plus complexes que nous ayons jamais fabriqués, essentiellement parce qu'il combine 10 vaccins en un seul.»
En 2000 a été fondée l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (Gavi), pour subventionner l'introduction des vaccins essentiels dans les 70 pays les plus pauvres de la planète. Une avancée qui devient handicap lorsque les pays s'enrichissent. «Les pays intermédiaires, pas ou plus éligibles au soutien de Gavi, doivent payer le prix fort. Certains renoncent à des vaccins faute de savoir comment les financer», précise Nathalie Ernoult.
Dans un rapport publié en janvier, MSF évoquait ainsi le cas de l'Angola qui a consacré 2,2 millions de dollars au financement des nouveaux vaccins en 2012, mais devra en dépenser 34,45 millions en 2018 pour mener la même politique sans Gavi. GSK rétorque que «pour les pays dont la situation économique s'est amélioré et qui ne sont plus éligibles au programme Gavi, nous nous sommes engagés à geler les prix pendant dix ans. Et en 2014 nous avons conclu un accord de 3 ans pour fournir des doses à prix réduit de notre vaccin Synflorix à MSF.»
Pas suffisant pour l'ONG qui réclame un vaccin «à 5 $ par enfant dans les pays en développement et pour les organisations humanitaires», contre 21 $ actuellement. Un laboratoire indien promet un produit à 6 $ par enfant, mais pas avant 2019. «D'ici là, des centaines de milliers d'enfants pourraient mourir», accuse MSF.
L'ONG regrette enfin l'opacité des prix. Faute de connaître les coûts de recherche et de production et les tarifs pratiqués ailleurs, difficile de négocier avec les laboratoires. Et si les laboratoires assurent prendre en compte la situation économique d'un pays avant de fixer ses prix, ceux-ci seraient parfois«irrationnels, s'étrangle Nathalie Ernoult. Par exemple, le Maroc paye le vaccin contre le pneumocoque plus cher que la France!» (63,74 $ contre 58,43 $).
Source : http://sante.lefigaro.fr