Article N° 4652

ROCHE

La France force la main de Roche sur l’Avastin

Imounachen Zitouni - 27 août 2015 23:15

Le ministère français de la santé a autorisé, jeudi 27 août, par un arrêté, le remboursement de l’Avastin dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Or le géant suisse Roche conteste cette utilisation, arguant que l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de sa molécule – comme anticancéreux – ne permet pas cet usage et qu’il existe deux médicaments pour traiter la DMLA. Le principal est le Lucentis, un autre produit mis au point par Roche, mais commercialisé en Europe depuis 2007 par le laboratoire suisse Novartis. Son principe actif, qui doit être injecté dans l’œil du patient, est proche de celui de l’Avastin, mais son coût est dix à trente fois plus élevé. Un autre produit dispose d’une AMM européenne depuis 2012, l’Eylea (Bayer).

Selon l’arrêté, l’injection de l’Avastin sera facturée 10 euros, soit presque 80 fois moins que celle du Lucentis. Les médecins pourront prescrire l’Avastin à la place du Lucentis à partir du 1er septembre, date de l’entrée en vigueur de la RTU.

Etablie pour une durée de trois ans, la RTU de l’Avastin sera renouvelée « en fonction des données d’efficacité et de sécurité qui seront issues du suivi des patients », précise l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Dans le cadre d’une RTU classique, cette surveillance incombe au fabricant, mais, dans ce cas, Roche a indiqué qu’il ne souhaitait pas s’en charger. Le laboratoire craint d’être mis en cause en cas de problème. « Roche ne saurait voir sa responsabilité engagée à quelque titre que ce soit du fait de l’utilisation de l’Avastin en traitement de la DMLA », a-t-il expliqué dans un courrier adressé à l’ANSM en janvier. Il a déposé deux requêtes devant le Conseil d’Etat : l’une de référé pour obtenir la suspension de la RTU au 1er septembre, l’autre au fonds, pour l’annuler.

La situation est inédite. « C’est la première fois qu’une RTU est mise en place sans l’accord de la firme », relève Dominique Martin, le directeur général de l’ANSM, en rappelant que toutes les données analysées lors de l’instruction du dossier confirment que l’efficacité des deux médicaments est comparable et qu’il n’existe aucun sur-risque avec l’Avastin.

En 2014, Roche a réalisé 1,6 milliard de dollars (1,4 milliard d’euros) de chiffre d’affaires grâce aux Lucentis, et Novartis, 2,4 milliards de dollars de ventes. Cette affaire pourrait leur coûter d’autant plus cher que l’Autorité de la concurrence française les soupçonne « d’avoir mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la commercialisation des traitements de la DMLA ». En avril 2014, elle a mené des perquisitions aux sièges des deux groupes en France, et le dossier est toujours en instruction.

Source : www.lemonde.fr