Article N° 4358
INSOLITE
Devenue accro aux jeux d’argent, elle poursuit son médecin en justice
Imounachen Zitouni - 10 mars 2015 15:42Atteinte d'un trouble neurologique donnant un besoin irrépressible de bouger les jambes appelé aussi syndrome des «jambes sans repos», Brigitte commence un traitement à base de Sifrol en avril 2008. En avril 2009, les symptômes réapparaissent, et Brigitte retourne chez son neurologue qui lui prescrit des doses de 0,70 mg par jour, alors que la dose maximale recommandée est de 0,54 mg. Peu de temps après, elle est prise d'une irrésistible envie de parier et écume les casinos. Pour donner libre cours à ses pulsions, elle vole de l'argent à sa famille, à son employeur, et finit par contracter une dette de 184 000 euros.
En janvier 2011, Brigitte tente de se suicider. Son médecin traitant fait alors des recherches et lui fait part des effets secondaires du Sifrol: la notice du médicament signale la possibilité de troubles comportementaux indésirables, dont l'«impulsion forte à jouer (de l'argent) de façon excessive malgré les graves conséquences». Le temps que son neurologue lui accorde un rendez-vous, Brigitte essaie une nouvelle fois de se donner la mort. En février 2011, son traitement est stoppé par le spécialiste aujourd'hui mis en cause. L'addiction disparaît deux semaines plus tard, laissant Brigitte et ses proches sans un sous.
Si les médecins peuvent dans certains cas augmenter la posologie maximale d'un médicament, Me Jégu l’avocat de la patiente estime que «les informations indispensables mais aussi obligatoires n'ont pas ici été délivrées». «Si Brigitte, son mari et ses enfants avaient connu les effets indésirables potentiels, toute cette affaire aurait été évitée», martèle-t-il.
Pour Marie Vidailhet, neurologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), l'affaire est complexe: «Un médecin peut choisir d'augmenter les doses maximales en se basant sur des publications scientifiques, sur l'avis de spécialistes ou en impliquant sa propre responsabilité, explique le Pr Vidailhet. Ce point précis sera analysé et débattu par un groupe d'experts dans le procès, qui tiendront compte de l'argumentation du prescripteur et des comportements à risques de la patiente avant son traitement. L'affaire doit aussi être replacée dans son contexte temporel: si aujourd'hui les publications sont nombreuses quant aux effets indésirables du Sifrol, ce n'était pas le cas en 2009. Mais le plus délicat dans ce procès sera la reconstitution de la relation médecin-patient. Comment a-t-il pu y avoir un tel manque de communication pendant deux ans, et ce des deux côtés?».
Source : http://sante.lefigaro.fr/actualite